"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

jeudi 27 décembre 2007

CINEMA : "LA BOUSSOLE D'OR"



J'ai déjà ici parlé de l'oeuvre de Philip PULLMAN "A la croisée des mondes" et de l'adaptation au cinéma,  du 1er volume de cette trilogie sous le titre  "La boussole d'or".

Après avoir vu le film, voici mes impressions :

J’attendais impatiemment, bien qu’avec un peu de crainte - la sortie de ce film, comme on attend toujours l'adaptation d'une oeuvre littéraire qu'on a beaucoup aimée.

Rien ne destinait le réalisateur Chris WEITZ (réalisateur d’"American Pie", une grossière farce adolescente bas-de-plafond ) à entreprendre une telle adaptation. La bande annonce que j’avais vue au cinéma m’avait tout de même donné l’envie d’aller voir le film.

A la différence de beaucoup de critiques lues ici et là, mon opinion sur ce film est assez bonne. Certes, l’adaptation au cinéma de toutes ces œuvres fleuves et culte (de « Dune » au Seigneur des Anneaux en passant par Eragon  et Le monde de Narnia est toujours risquée. Mais comment cela pourrait-il être autrement tant la richesse de l’œuvre littéraire est supérieure à ce que peut faire un metteur en scène (fût-il le meilleur, il n’est que de voir le semi-échec du « Dune » de David Lynch) en deux heures de temps.

J’ai lu et relu l’œuvre de Pullman et je le classe parmi les meilleurs écrivains de SF ou de Fantasy (comme on voudra, car en fait il n’y a pas de catégorie adaptée à ce genre d’œuvre), que je connaisse. La richesse de ses bouquins, la complexité de ses personnages, l’inventivité de son (ses) monde(s) est proprement époustouflante.

Eh bien, non, je n’ai pas été déçu car le film, même s’il est évidemment réducteur, est en tout point remarquable. Les acteurs (Nicole KIDMAN en Mme Coulter est à la fois l’ange et le démon qu’elle est dans les livres, Daniel CRAIG, en Lord Asriel, est parfait, quant à la jeune actrice Dakota Blue RICHARDS, elle est aussi excellente en Lyra.

Les décors sont magnifiques et pleins de surprises. La qualité des images de synthèse (en particulier pour les daemons) est telle qu’il faut se pincer pour se dire que ce ne sont que des images fictives.

Un seul bémol : le son. Une horreur ! La musique (qui n’a rien de génial) est beaucoup trop forte et couvre les voix (celle de Nicole KIDMAN en particulier qui chuchote le plus souvent –mais c’est dans son rôle, on ne peut le lui reprocher). A chaque apparition de l’aléthiomètre (improprement traduit par "boussole d’or" à l'intention de ceux qui n'ont pas lu les livres) est accompagnée – on se demande pourquoi – par un déchaînement de sons qui obligent le spectateur à se coller les mains sur les oreilles. Dommage. C’est malheureusement un constat que l’on fait de plus en plus dans les salles et il faudra sans doute faire quelque chose contre cette dérive.

En conclusion, beau film qui prolonge pour moi le plaisir que j’ai pris à lire (et relire) les livres. 

J’attends impatiemment l’adaptation du 2ème volume « la tour des anges » [cette adaptation n'est jamais sortie].

Je voudrais terminer en vous donnant le lien avec un site consacré à l'œuvre de Pullman que j'ai trouvé bien fait : http://www.cittagazze.com/index.php

Voir ma critique sur mon blog cinéma : Cinérock07

CINEMA : "LIONS ET AGNEAUX" DE ET AVEC ROBERT REDFORD


Lions et agneaux (de et avec Robert Redford, Tom Cruise, Meryl Streep)


Une remarque préliminaire : le titre français peut induire en erreur. Le titre original « Lions for lambs » aurait dû être traduit par « Des lions pour les agneaux», ce qui n’a pas tout à fait le même sens, on le comprendra en voyant le film ! C'est une phrase qui fait référence à la Bible, sans doute à l’Apocalypse de Jean ?)

Ce film est sorti en France fin novembre 2007. Je ne crois pas qu’il ait eu beaucoup de succès, malgré la renommée des acteurs à l’affiche (Robert Redford, Tom Cruise et Meryl Streep). C’est en effet un film tellement atypique qu’il désarçonne le spectateur. Je l’ai vu récemment et je l’ai trouvé remarquable, bien qu’un peu court (1.30 H) – à mon avis ½ H de plus n’aurait pas été de reste ! (c'est plutôt rare que j'en redemande !!!)  Il est certain que ce n’est pas la longueur qui fait la qualité d’un film mais, là, on reste un peu sur sa faim tant le générique de fin tombe au moment où on ne s’y attend pas. Bien qu’on ait toutes les cartes en main pour comprendre les tenants et les aboutissants, le spectateur (moi en tout cas, et d’après la tête des autres spectateurs, peu nombreux, hélas… je n’étais pas le seul à penser cela), j’ai été surpris.

Atypique, il l’est aussi par le duo Redford/Tom Cruise. On connaît Redford pour son engagement politique à gauche et ses prises de position antiBush. On sait par ailleurs à quel point Tom Cruise est impliqué dans la Scientologie dont il est même devenu l’un des plus éminents porte-flambeaux. C’est même la raison pour laquelle il se serait fait remercier par la Paramount après 14 ans de « bons et loyaux services » et une série de succès commerciaux au box-office. Cruise est aussi coproducteur de ce film par le biais de United Artists qu’après son éviction de la Paramount, il a racheté. Etonnant, non ?

Revenons-en au film qui présente le destin parallèle de plusieurs personnalités hors-norme :

- Robert Redford, (le professeur Stephen Malley) est un enseignant idéaliste et contestataire dans une université de la côte Ouest. Au cours du film, il tente de convaincre Todd (Andrew Garfield, un jeune acteur anglais génial dont on reparlera certainement) l’un de ses étudiants les plus doués, de prendre sa vie en main alors que ce dernier a plutôt tendance à se laisser vivre ;
- Tom Cruise (le sénateur Jasper Irving) est un jeune sénateur républicain aux dents si longues qu’elles rayent l’épaisse moquette de son bureau ;
- Meryl Streep (Janine Roth), journaliste de haut vol qui a aussi été engagée à gauche mais qui, depuis le rachat de sa chaîne par une chaîne commerciale, s’est « rangée » et ne fait plus de journalisme d’investigation (je l'ai trouvée un peu palote dans le film);
- Deux anciens étudiants (un black et un hispano, très bons eux aussi) du professeur Malley, engagés volontaires dans les troupes d’intervention en Afghanistan et qui y laisseront leur peau. Le professeur Malley se sent responsable de leur engagement dans les marines et le ressent comme un échec personnel. Il ne voudrait pas que cela arrive à Todd mais, à la fin du film, on n’est pas sûr qu’au fond, après l’entretien qu’il a eu avec son prof, celui-ci ne décide pas, justement, de s’engager dans l’armée.

Seul le spectateur a toutes les cartes en main pour juger du parcours de ces personnages.

Je suis ressorti de ce film un peu interloqué car, visiblement, s’il est un pamphlet contre la politique sécuritaire de Bush en Irak, en Afghanistan et en Iran, il pose avant tout le problème de l’engagement personnel et de la remise en question de chacun et de sa place dans une société ultra-formatée.

Si les prestations de Redford et de Cruise, je suis un peu resté sur ma faim quant à celle de Meryl Streep, que j’avais trouvée autrement plus convaincante dans « Le diable s’habille en Prada ». Là, elle est en retrait, éteinte, même si le rôle veut ça, on est un peu déçu.

Quant au jeune Andrew Garfield, c’est pour moi une révélation et je pense qu’il ira loin. Je le lui souhaite en tout cas, car c’est un acteur remarquable.

Même si j'ai aimé ce film, je suis assez d'accord cependant avec l'analyse de Matthieu Carratier (dans "Première") :

"Après "Le royaume", Matthew Michael Carnahan livre son deuxième scénario de l'année autour de la présence américaine au Moyen-Orient. Un film qui ne parle pas de l'Irak, juré, mais plus du rapport qu'entretiennent les citoyens et les médias avec leurs institutions. Le message, adressé à la jeunesse de tous les pays, est limpide : si tu ne t'engages pas, d'autres le feront pour toi, et il y a de grandes chances qu'ils prennent les mauvaises décisions. Ce message plein d'idéal, Redford l'assène avec le dynamisme d'un koala à l'heure de la sieste. A l'image, on ne verra rien d'autre que des gens qui parlent dans une pièce. Le plus gros rebondissement du film consiste un peu à voir Tom Cruise passer du salon à son bureau... Un refus de cinéma d'autant plus regrettable que les premières minutes de "Lions et Agneaux" promettaient un thriller politique seventies autrement plus mouvementé. Même le face-à-face Streep-Cruise, qu'on s'imaginait bouillant, s'avère d'une tiédeur et d'une politesse absolue. Peut-être avait-on placé nos attentes un peu trop haut... Mais quand un film s'achève en demandant au spectateur s'il compte enfin agir pour changer le monde, la moindre des choses serait de le faire autrement qu'avec un discours d'amphithéâtre mou de la thèse."
Dur, dur... mais finalement assez juste !

lundi 10 décembre 2007

KADHAFI A PARIS : DROLE DE CELEBRATION POUR LA JOURNEE DES DROITS DE L'HOMME !


"Le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, arrive à Paris, lundi 10 décembre pour une visite officielle de cinq jours. Alors que le président Nicolas Sarkozy et le premier ministre, François Fillon, ont multiplié les déclarations pour justifier cette visite, les critiques affluent. Dernière en date, celle de la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade. Dans une interview publiée dans Le Parisien daté de lundi, elle se dit "dérangée" que Mouammar Kadhafi arrive en France un jour de célébration des droits de l'homme, et souhaite que cette visite soit l'occasion d'insister sur le respect de ces droits par la Libye."Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits. La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort", déclare Mme Yade. "Ce qui me dérange, c'est qu'il arrive un jour de célébration des droits de l'homme", explique la secrétaire d'Etat, en référence à la Journée internationale des droits de l'hommme. "Je serais encore plus gênée si la diplomatie française se contente de signer des contrats commerciaux, sans exiger de lui des garanties en matière de droits de l'homme. C'est un devoir : la France n'est pas qu'une balance commerciale", a-t-elle affirmé.

"Il serait indécent en tout cas que cette visite se résume à la signature de contrats ou d'un chèque en blanc", poursuit-elle. "Peut-on accorder une confiance absolue à celui qui demande d'être traité comme n'importe quel chef d'Etat et qui, avant même d'être arrivé sur le sol français, affirme que le terrorisme est légitime pour les faibles ?", demande Mme Yade, qui cependant "ne partage pas l'indignation automatique de ceux qui excluent tout dialogue avec la Libye".

La voix de Rama Yade s'ajoute aux critiques de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme et de responsables de l'opposition – François Hollande, Ségolène Royal, François Bayrou, notamment –, qui dénoncent l'accueil fait à un dirigeant dont le nom est associé à des affaires de terrorisme.

Répondant à ces critiques, François Fillon a jugé "déplacée" cette polémique sur la visite du colonel Kadhafi, dans un entretien publié lundi par le journal Les Echos. Selon lui, "il est légitime que la France entretienne des relations d'Etat à Etat dans le respect du droit international".

Extrait du Monde : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-987590,0.html?xtor=RSS-3210

Rama Yade remonte dans mon estime après les propos qu'elle avait tenus dans le cadre de l'affaire Arche de Zoé (voir mes posts des 12/11/2007 et 08/12/2007)

A mon humble avis, ce sont les commentaires de François Fillon qui sont pour le moins... "déplacés" !

mardi 4 décembre 2007

VINCENT HUMBERT : "JE VEUX MOURIR ! "

En souvenir de Vincent Humbert


Nous sommes en 2022. Comme nous l'écrivions plus bas, la loi Claeys-Leronetti de 2005, réécrite en 2016, n'a, hélas, pas apporté d'évolution sur le droit de mourir dans la dignité en France. Le 1er quinquennat d'Emmanuel Macron n'a pas fait mieux. On espère toujours que la France finira par s'aligner sur d'autres pays européens, comme la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas, qui autorisent l'euthanasie active lorsqu'elle est souhaitée par le malade. Actuellement, seuls les malades encore en état de voyager et qui en ont les moyens peuvent aller mourir dans ces pays.    

J'ai vu hier soir sur TF1 le téléfilm "Marie Humbert, l'amour d'une mère" réalisé par Marc Angelo (avec Florence Pernel) sur le combat mené par la mère de Vincent Humbert pour obtenir pour son fils le droit de décider de sa mort qui, dans l'état actuel des choses, n'est pas reconnu en France alors qu'il l'est dans plusieurs pays européens.

Je ne voulais pas en parler avant d'avoir vu le film, car le sujet me paraît trop grave pour être traité à la légère et il nous interpelle ou risque de nous interpeller tous à un moment ou à un autre de notre vie ou de celle de nos proches.

J'ai assisté au décès de mon père en Juin 2006 au service de réanimation de l'hôpital d'Aubenas et nous avons été à ses côtés jusqu'à son dernier souffle. Dans notre cas, heureusement, les choses se sont "bien" passées, autant qu'elles puissent "bien se passer" dans ce genre de circonstances.

Je suis bien conscient que le cas de mon père, décédé à 86 ans, après une vie bien remplie, n'est en aucune manière comparable à celui de ce jeune homme de 19 ans, rendu totalement paralysé, muet et aveugle, par un accident de la route, en pleine jeunesse et en pleine force !

Rappelons les faits : le 24 septembre 2000, Vincent Humbert quitte la caserne de pompiers où il travaille pour rejoindre sa fiancée. Il conduit calmement, sur une petite route qu'il connaît bien, les conditions climatiques sont excellentes. Malheureusement, le dernier virage avant d’arriver chez lui lui sera fatal... Il ne peut éviter le poids lourd qui déboule devant lui sur cette route étroite et sa voiture va s’encastrer sous le camion... Son frère aîné, pompier lui aussi, fait partie des sauveteurs appelés sur place. Il sait au premier coup d'oeil que son frère est perdu et se reprochera de l'avoir secouru. Aux urgences de l’hôpital, Vincent subit une quinzaine d’interventions mais il est si atteint que les médecins ne laissent guère d’espoir à ses proches. Du jour au lendemain, la vie de sa mère Marie bascule. Elle quitte son appartement et son travail pour accompagner son fils dans un centre spécialisé dans le Nord de la France. Elle croit en lui, en sa force physique et morale, en sa joie de vivre... et est persuadée que Vincent va s'en sortir, que c’est juste un problème de temps et d’amour.

Vincent reste dans le coma 9 mois puis, un jour, le “miracle” se produit : il bouge légèrement son pouce droit. Marie est folle d'espoir. Elle se bat pour tenter de communiquer avec ce fils complètement paralysé mais qui entend et comprend. Pendant neuf autres mois, elle mettra au point une technique de communication unique, basée sur un système d'alphabet simplifié, qui lui permettra de savoir ce que pense et veut Vincent. Malheureusement, celui-ci, qui entend tout et a conservé toute son intelligence, sa lucidité et même son humour, souffre physiquement et surtout moralement d'une façon indicible et il fait son choix : un jour, stupéfaite, alors qu'elle croit toujours que l'état de son fils va s'améliorer, Marie décrypte un terrible message en lequel elle ne veut pas croire : "Je veux mourir". Les médecins et tous ses proches pensent que Vincent traverse une phase de dépression bien compréhensible et qu'il changera d'avis mais, au fil des mois, sa détermination de mourir ne fait que grandir.

Devant le refus des médecins de l'y aider, il dicte, grâce au système mis au point avec sa mère, une lettre au Président de la République. En retour, la Présidence lui envoie une lettre banale, déshumanisée, qui montre bien qu'elle n'a même pas été lue par Jacques Chirac. Vincent rentre dans une rage folle et pendant plusieurs jours refuse de communiquer.

Marie obtient une entrevue avec le président qui finit par la recevoir personnellement, sous la pression médiatique mais le "soutien" dont il l'assure ne va pas au-delà de quelques bonnes paroles. L’affaire se médiatise et échappe à Vincent et à sa mère, un débat national sur l’euthanasie s’engage dont Vincent devient, malgré lui, un symbole. Désespéré, Vincent se tourne alors vers sa mère et lui dicte :« Si tu m’aimais, tu me tuerais ! » Par amour pour son fils, Marie,qui lui a donné la vie, va lui offrir sa mort.
[Synthèse en grande partie empruntée à l'article de Philippe Tesseron : http://www.temoignages.re/article.php3?id_article=26423]

J'ai trouvé que ce film était une très belle réalisation, les acteurs sont justes, émouvants, la réalisation évite intelligemment le pathos et les prises de position.

Sans entrer dans la controverse, je voudrais simplement ici citer la lettre dictée par Vincent et adressée au président de la République [c'était alors Jacques Chirac] où il lui "demande le droit de mourir".

"Monsieur Chirac,

"Tous mes respects, Monsieur le président.

"Je m'appelle Vincent Humbert, j'ai 21 ans, j'ai eu un accident de circulation le 24 septembre 2000. Je suis resté 9 mois dans le coma. Je suis actuellement à l'hôpital Hélio-Marin à Berck, dans le Pas-de-Calais. Tous mes sens vitaux ont été touchés, à part l'ouïe et l'intelligence, ce qui me permet d'avoir un peu de confort. Je bouge très légèrement la main droite en faisant une pression avec le pouce à chaque bonne lettre de l'alphabet. Ces lettres constituent des mots et ces mots forment des phrases.
"C'est ma seule méthode de communication. J'ai actuellement une animatrice à mes côtés, qui m'épelle l'alphabet en séparant voyelles et consonnes. C'est de cette façon que j'ai décidé de vous écrire. Les médecins ont décidé de m'envoyer dans une maison d'accueil spécialisée. Vous avez le droit de grâce et moi, je vous demande le droit de mourir. Je voudrais faire ceci évidemment pour moi-même mais surtout pour ma mère; elle qui a tout quitté de son ancienne vie pour rester à mes côtés, ici à Berck, en travaillant le matin et le soir après m'avoir rendu visite, sept jours sur sept, sans aucun jour de repos. Tout ceci pour pouvoir payer le loyer de son misérable studio. Pour le moment, elle est encore jeune. Mais dans quelques années, elle ne pourra plus encaisser une telle cadence de travail, c'est à dire qu'elle ne pourra plus payer son loyer et sera donc obligée de repartir dans son appartement de Normandie. Mais impossible d'imaginer rester sans sa présence à mes côtés et je pense que tout patient ayant parfaitement conscience est responsable de ses actes et a le droit de vouloir continuer à vivre ou à mourir. Je voudrais que vous sachiez que vous êtes ma dernière chance. Sachez également que j'étais un concitoyen sans histoires, sans casier judiciaire, sportif, sapeur-pompier bénévole. Je ne mérite pas un scénario aussi atroce et j'espère que vous lirez cette lettre qui vous est spécialement adressée. Vous direz toutes mes salutations distinguées à votre épouse. Je trouve que toutes les actions comme les pièces jaunes sont de bonnes oeuvres. Quant à vous, j'espère que votre quinqennat se passe comme vous le souhaitez malgré tous les attentats terroristes. Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus distingués.


[Réf. http://www.admd.net/]

Marie Humbert et les médecins du centre ont été inculpés, persécutés par une justice inhumaine avant d'être innocentés mais, malgré quelques aménagements mineurs, la loi qui permettrait aux français qui le souhaitent de mourir dans la dignité n'a pas profondément évolué. Marie Humbert juge que la loi Léonetti "dite Vincent Humbert", qui a été adoptée en 2006 est une loi hypocrite qui ne règlera, hélas, rien.  

Dans le cours du film, à l'occasion de l'anniversair de Vincent, qui adorait cette chanson, l'un des soignants interprète "Le paradis blanc" de Michel Berger, en s'accompagnant à la guitare. J'ai déjà parlé de cette chanson et de ce qu'elle évoquait pour moi (Voir mon post du 18/08/2007 et le clip qui y est adjoint). Dans le film, le jeune soignant, bouleversé, ne peut aller jusqu'au bout et quitte la chambre en larmes. J'ai trouvé l'extrait vidéo de ce moment très émouvant sur Youtube et je l'ai mis en regard de ce post. Voir la 2ème vidéo en partant du haut.

dimanche 2 décembre 2007

LITTERATURE : HOMMAGE A NORMAN MAILER


Norman Mailer est décédé samedi 10 novembre à New York, à l'âge de 84 ans, des suites d'une insuffisance rénale. Romancier, journaliste, essayiste, biographe, poète, metteur en scène, scénariste, acteur de cinéma, candidat à la mairie de New York en 1969, chantre de la contre-culture américaine des années '50 et '60, auteur d'une quarantaine d'ouvrages, lauréat du National Book Award et du Prix Pulitzer, marié six fois et père de neuf enfants, Norman Mailer a longtemps été considéré comme "l'enfant terrible de la littérature américaine" et a dominé la scène intellectuelle de son pays pendant toute la deuxième moitié du XXe siècle. Né le 31 janvier 1923 à Long Branch (New Jersey) dans une famille de la petite bourgeoisie juive, Norman Mailer a suivi des études d'ingénieur aéronautique à Harvard avant de se consacrer très tôt à la littérature. Mobilisé dans l'US Navy début 1944, il a vécu la fin de la guerre en combattant dans le Pacifique. À son retour en 1946, après un bref séjour d'études à La Sorbonne à Paris, il entame l'écriture d'un premier roman très réaliste inspiré par son expérience de la guerre "Les Nus et les Morts" (publié en 1948). Ce livre lui apportera la gloire dès l'âge de 25 ans et il ne cessera plus de publier, délivrant une oeuvre puissante sur l'Amérique contemporaine et ses mythes. (...) On lui doit entre autres Rivage de barbarie (1951), Nègre blanc (1956), Un rêve américain (1965), Pourquoi sommes-nous au Vietnam ? (1967), Les armées de la nuit (Prix Pulitzer 1969), Bivouac sur la lune (1970), Le chant du bourreau (prix Pulitzer 1980), La Nuit des temps (1983), Les vrais durs ne dansent pas (1984), Un mystère américain (1995), L'Amérique, Essais, reportages, ruminations (1999), Le Combat du siècle (2000), Pourquoi sommes-nous en guerre ? (2003) et Portrait de Picasso en jeune homme (2004). Son dernier roman, Un château en forêt, Le fantôme d'Hitler (2007), est le récit de la jeunesse d'Adolf Hitler raconté par un démon employé de Satan. Tout en reconnaissant lui-même que certains de ses livres n'ont pas résisté au temps, Norman Mailer était cependant très fier de "Les Nus et les Morts" et de "Harlot et son fantôme", une vaste fiction sur la CIA. Bagarreur et boxeur, véritable râleur professionnel, adorant la provocation, Norman Mailer a été emprisonné à plusieurs reprises dans les années soixante pour rixes, mais aussi en 1967 pour son engagement politique, après avoir dénoncé l'engagement américain au Vietnam. L'écrivain s'est fait de nombreux ennemis, en particulier chez les féministes, pour ses propos souvent très politiquement incorrects sur les relations entre les hommes et les femmes (...). Il créa, au milieu des années cinquante, le célèbre hebdomadaire de gauche "The Village Voice". Chroniqueur et observateur lucide du monde contemporain, Norman Mailer avouait être dans un "état de pessimisme intellectuel profond" et n'était pas tendre avec ses compatriotes. "Il me semble que l'Amérique est devenue bien plus laide ces dernières années", déclarait il y a peu l'écrivain, faisant notamment allusion à l'Amérique de George W. Bush.

Extraits de La République des Lettres, samedi 10 novembre 2007

lundi 12 novembre 2007

LA LETTRE DE GUY MÔQUET




Dieu sait que je ne suis pas un sarkozyste mais, même si je ne suis pas dupe sur la sincérité de notre président lorsqu'il a pris cette initiative, j'ai été choqué par certaines prises de position qui se sont faites contre celle-ci. Guy Môquet était avant tout un garçon de 17 ans qui est mort pour ses idées et pour la liberté. C'est à mon sens tout ce qui compte. Personnellement, j'ai trouvé le clip diffusé à la télévision profondément émouvant et juste. Voici le court-métrage de 2 minutes 30 réalisé par François Hanss à partir de « La Lettre de Guy Môquet » interprété dans ce film Jean-Baptiste Maunier, l'inoubliable héros des "Choristes", dans le rôle du jeune résistant de 17 ans.

lundi 15 octobre 2007

CARNETS DE CAMPAGNE


Je vous recommande d'écouter l'émission "Carnets de Campagne" de Philippe Bertrand (http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/carnetsdecampagne/). J'ai l'occasion de l'écouter de temps en temps en voiture, lorsque je reviens de travailler. Elle est remarquable. Aujourd'hui, j'ai entendu parler d'un éditeur "D'un noir si bleu" installé en Saône-et-Loire qui publie des nouvelles. Quel courage ! J'espère pour lui qu'il tiendra le coup. Voici son adresse :

http://dnsb.chez-alice.fr/index.html et surtout celle de son blog, lui aussi d'ailleurs hébergé par Blogger (comme cela, vous ne serez pas dépaysés), beaucoup plus sympa, à mon avis, que le site "professionnel" : http://blog-dnsb.blogspot.com/

dimanche 23 septembre 2007

MES ARCHITECTES FAVORIS : Frank Lloyd Wright




Frank LLOYD WRIGHT (1867-1959)

est le père de l'architecture américaine. La maison de "Fallingwater" à Mill Run ¨(Pensylvannia) fut réalisée en 1935-1939. Wright est aussi l'architecte du fameux Musée Guggenheim de New-York (1943-1959) avec son concept unique en spirale ascendante. Comme tous les visionnaires, il n'eut pas la partie facile et dut se battre contre l'establishment et les idées conservatrices. La construction du Guggenheim fut plusieurs fois repoussée et une pétition de nombreux artistes qui se plaignaient que les murs et les rampes inclinées ne conviendraient pas à leurs oeuvres faillit même faire échouer purement et simplement le projet [Cf. Wright de Bruce Brooks Pfeiffer, dans une très belle petite collection économique chez Taschen].

dimanche 9 septembre 2007

CINEMA : "Le talentueux Mr. Ripley"

 

Ce film a été adapté d'un livre de Patricia Highsmith. Deux films en ont été tirés : Plein soleil de René Clément avec Alain Delon et Le talentueux Mr. Ripley d'Anthony Minghella avec Matt Damon (qui joue le rôle de Ripley) et Jude Law (Dickie Greenleaf).

Italie, fin des années cinquante. Le jeune Dickie Greenleaf (Jude Law) mène la "dolce vita" dans un village de pêcheurs sur la côte amalfitaine aux frais  de son père, en compagnie de Marge Sherwood. Irrité par son comportement irresponsable, son père, Herbert Greenleaf, un riche armateur américain qui voudrait que son fils prenne sa suite, demande à Tom Ripley (Matt Damon), étudiant sans le sou rencontré par hasard, et qu'il croit être un ami d'université de son fils, de ramener Dickie en Amérique. A son arrivée en Italie, Tom, qui a survécu jusque là sans le sou, découvre un monde éblouissant, qu'il ne soupconnait pas. Il ira jusqu'au meurtre pour conserver cette vie de rêve en troquant sa propre personnalité, insignifiante, pour celle de Dickie. Magnifique jeu d'acteurs (Matt Damon et Jude Law sont éblouissants). Une superbe adaptation du roman de Patricia Highsmith. De plus, la bande son est remarquable.

Voir ma critique plus complète sur : Cinérock07

dimanche 2 septembre 2007

FYNN : "Anna et Mister God"





Voilà un autre livre superbe dont je voudrais vous parler et vous inciter à lire. C'est une amie, Denise B. de Nice, qui me l'avait offert en 1982. Là aussi, lorsque j'étais libraire, je l'ai conseillé à de nombreux clients. Cet auteur est inconnu par ailleurs (de moi, du moins). Cela se passe dans le quartier - à l'époque populaire, voire pauvre - de l'East End (C'est devenu depuis LE quartier "branché" de Londres)*.

Anna, une petite fille "crasseuse, meurtrie et terrifiée" avait été trouvée assise sur une marche. L'auteur, qui est aussi le narrateur, dit comment il l'a conduite à sa mère, une vigoureuse irlandaise, qui accueillait tous les "chiens perdus" qu'on lui amenait. 

Anna avait pour intérêt principal dans l'existence sa familiarité avec "Mister God", autrement dit avec Dieu. A six ans, elle était théologienne, mathématicienne, philosophe, poète et jardinière... Et surtout, elle n'avait pas sa langue dans sa poche (c'était une autre Zazie, pas la chanteuse, le personnage haut en couleurs de Zazie dans le métro de Raymond Queneau) et n'y allait pas par quatre chemins pour dire aux autres - et à Mr. God - ce qu'elle avait sur le cœur. C'est un livre magique. Dans sa présentation, Vernon Sproxton dit ceci :

"Il y a de bons livres, des livres quelconques, et de mauvais livres. Parmi les bons, il y en a d'honnêtes, d'inspirants, d'émouvants, de prophétiques, d'édifiants. Mais, dans mon langage, il y a une autre catégorie, celle des livres-ha ! Celui-ci en est un. Les livres-ha ! sont ceux qui déterminent, dans la conscience du lecteur, un changement profond. Ils dilatent sa sensibilité d'une manière telle qu'il se met à regarder les objets les plus familiers comme s'il les observait pour la première fois. Les livres-ha ! galvanisent. Ils atteignent le centre nerveux de l'être, et le lecteur en reçoit un choc presque physique. Un frisson d'excitation le parcourt de la tête aux pieds.

Les livres-ha ! ne courent pas les rues (...)"

Après une éclipse de plusieurs années, où j'étais l'un des seuls libraires de ma ville à le commander au Seuil, il a fini par être épuisé. Puis après avoir fait des pieds et des mains auprès de l'éditeur pour qu'il le soit à nouveau, ils l'ont réédité sous une autre jaquette, moins sympa, à mon avis (mais là n'est pas l'important car c'est le contenu qui compte). Et je viens de vérifier (mai 2016), on le trouve toujours et vous pouvez le commander et, si vous connaissez bien votre libraire, lui dire d'en avoir toujours un en fonds car, c'est sûr, il le vendra (surtout s'il le lit lui-même et le conseille à ses clients). 

Voir les commentaires récemment ajoutés (janvier-février 2008) par Jean-Pierre et encore plus récemment (26/05/2016), par Claire-Marie, professeur-documentaliste à Valenciennes, qui le conseille à ses élèves.

jeudi 30 août 2007

Yves BONNEFOY : "L'Arrière-pays"

Nicolas de Staël, La route d'Uzès*
Depuis des années, un ouvrage fait partie de ceux qui ne quittent que rarement ma table de chevet, pour y revenir régulièrement. C'est L'Arrière-pays, d'Yves Bonnefoy. C'est un livre que j'ai prêté, perdu, offert, racheté plusieurs fois... Sa première édition chez Skira (Genève) date de 1972. Il est devenu ensuite introuvable puis a été réédité par Gallimard dans sa collection de poche "poésie". Il y a quelques années, lors d'un voyage à Paris, où j'avais vu une exposition sur Nicolas de Staël - que j'aime aussi beaucoup - j'avais retrouvé une réédition de l'édition d'origine, avec les illustrations en couleurs. Je l'avais immédiatement racheté. C'est cet exemplaire, qu'avec précaution et une certaine réticence, je souligne (au crayon car je n'ose utiliser l'encre) souvent, une phrase par-ci, une par-là, me disant chaque fois qu'il me faudrait souligner toutes les phrases, tous les mots, car je me sens en accord avec chacun d'entre eux. Je voudrais seulement ici, vous citer le tout début du livre :

"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu'en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n'ai pas prise et dont déjà je m'éloigne, oui, c'est là que s'ouvrait un pays d'essence plus haute, où j'aurais pu aller vivre et que désormais j'ai perdu." Et, page suivante, ceci : "Et pourtant, c'est quand j'en suis venu à cette sorte de foi que l'idée de l'autre pays peut s'emparer de moi le plus violemment, et me priver de tout bonheur sur terre. Car plus je suis convaincu qu'elle est une phrase ou plutôt une musique - (...) et plus cruellement je ressens qu'une clef manque, parmi celles qui permettraient de l'entendre."

Je ne sais pour vous, mais pour moi, cela évoque tellement ce monde "au-delà des rêves" que je voudrais vous faire approcher par ce blog, cela me "parle" tellement vrai, tellement en profondeur, que je me sens vibrer comme une corde de violon et que je voudrais avoir écrit ces phrases.

Si, justement, vous vous sentez en harmonie avec cet "arrière pays" si bien décrit par Bonnefoy, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer ce livre, même si ce n'est que dans l'édition de poche.

* Ce tableau avait été choisi pour illustrer l'affiche de l'exposition "L'arrière pays au carrefour de l'art moderne et contemporain" qui avait eu lieu au Château des Adhémar à Montélimar en 1997. (parmi les artistes exposés, de grande qualité, outre de Staël, que j'aime, d'autres qui ne me laissent pas indifférent, comme Giacometti, Tapies, Soulages... Je n'ai malheureusement pas vu cette expo, n'en ayant appris que trop tard l'existence par une de mes clientes, elle aussi passionnée de Nicolas de Staël. C'est grâce à elle que j'ai eu cette affiche. Je l'en remercie encore si, par hasard, elle tombe sur ce blog...

jeudi 16 août 2007

POESIE : "LES MURS"


Le poème "Les murs" avait été publié dans l'Ivraie n°3, 1983. Il est repris ici sans modification.
Je le dédie aujourd'hui à tous ceux qui sont injustement emprisonnés.

Les murs

Dans la chair de la terre, ils firent une entaille de sang.

Ils y plantèrent leurs épieux et ils dressèrent les murailles de la première ville.

Dans la ville, ils firent des maisons, des châteaux, des églises, mais aussi des prisons.

Et derrière les murs, on enferma la peur, l'ennui, la souffrance et l'angoisse.

On enferma la haine et l'amour, la vie.

Et de la vie, on fit une petite mort.

Et de nous, des voyeurs derrière des volets.

On fit, au mensonge, un rempart, à la lâcheté, un palais.

Et on creusa des caves et des couloirs, pour y cacher le Minotaure.

Et le tout, on le couronna de clochers !


Souvent, disparurent les murs, s'éboulèrent les tours...

Et du ciment de sang et d'or, le souvenir fut emporté.

Mais toujours, ils furent rebâtis, plus épais et plus lourds,

plus sombres et plus gris.


Un mur cacha la mer, une rose, le rivage...

Un mur devant le vent du large,

et la colline fut enclose, ses parfums oubliés

- ils faisaient trop rêver ! -

un mur devant, un mur derrière et un mur au-dessus (on l'appela un toit)

pour oublier l'orage, la valse de la neige ou des pétales d'amandier.

Un mur, surtout, pour échapper au regard absolu des étoiles !

Et un mur à la joie, un à l'espoir,

un mur pour le sourire, et un mur pour la source,

un pour l'enfant, un pour l'oiseau

un mur pour le partage, un mur pour le carnage,

un mur ici ou là, jour à jour, nuit à nuit.


Un mur, des barbelés, une frontière.

Un mur pour le paradis, un autre pour l'enfer.

Un mur pour toi, un mur pour moi,

et pour vous, et pour lui

Et un mur pour les cris de ceux que l'on torture,

un mur pour ceux qu'aujourd'hui l'on fusille.

Un mur pour Celui qui fut crucifié,

un mur pour le sépulcre, un mur pour le charnier

un mur devant les yeux, un mur autour du coeur.


O, murs de mort ! Quand donc cèderez-vous au temps ?

Quand tomberez-vous en poussière ?

Quand donc viendra la mer vous transformer en grève ?

Et le vent, pour disperser vos cendres ?


O, murs des hommes, faut-il donc que les dieux excédés,

de nouveau descendent sur la Terre pour balayer vos ombres ?

Faut-il que les trompettes sonnent, que la forêt s'avance

pour qu'enfin vous fondiez dans les brouillards du temps

et que la liberté brille avec l'aube neuve,

que la chanson s'élève jusqu'aux confins de l'univers,

et que la flamme pure pénètre au plus profond du ventre de la nuit ?


Si je savais que vous soyez défaits,

je veillerais !


(Extrait de "Paroles du vent" - "les murs", mai 1978)

mardi 14 août 2007

Eragon, le film

Ce post a été déplacé sur http://rock07.blogs.allocine.fr/

Les anges



Photo Roland Comte

Mon intérêt pour les anges ne date pas d'hier. Je sais que je ne suis pas le seul, bien entendu. Les anges ont fasciné et fascinent encore beaucoup de monde, et chacun a sa propre approche. Des anges, Dieu sait que nous en avons vus lorsque nous sommes allés à Rome en 2005. Des anges de la Renaissance, des anges baroques (beaucoup !), ceux du Bernin disposés sur le pont Saint-Ange, en particulier... Au retour, j'ai lu une biographie du Caravage et j'ai eu envie d'en savoir plus sur sa peinture qui, jusque là, m'avait laissé plus qu'indifférent, m'avait déplu, même, par son côté outrancier, presque malsain.

Mais ma conception des anges se rapproche plus de celle de Rilke. C'était Sylf qui, la première, m'avait parlé de Rilke. A l'époque, je ne connaissais rien de sa poésie. J'ai découvert ensuite les "Elégies de Duino" où il parle énormément des anges. Mais ce qu'il en dit n'évoque pas du tout la conception éthérée et gentillette que s'en fait la majorité des gens. Pour Rilke "tout ange est terrible". Pour lui, l'ange est une entité qui se place sur un plan très différent de l'humain, tellement différent que si l'homme est mis au contact d'un ange, il peut être consumé, comme l'éphémère ou le papillon l'est au contact de la flamme :

"Qui, si je criais, qui donc entendrait mon cri parmi les hiérarchies des Anges ? Et cela serait-il, même, et que l'un d'eux soudain me prenne sur son coeur : trop forte serait sa présence et j'y succomberais. Car le beau n'est rien d'autre que le commencement du terrible, qu'à peine à ce degré nous pouvons supporter encore; et si nous l'admirons, et tant, c'est qu'il dédaigne et laisse de nous anéantir. Tout ange est terrible." (Première Elégie)

C'est aussi cette vision de l'ange terrible que décrit Gitta Mallasz dans ses exigeants Dialogues avec l'ange recueillis en pleine invasion de la Hongrie par les nazis entre 1943 et 1944. 

lundi 13 août 2007

Mes nouvelles : "Le visiteur" (1972)







Au départ, ce texte avait été écrit sous le titre "l'étranger" qui est aussi celui d'un poème que j'ai publié ici. Il a été grandement modifié depuis sa première version, écrite lors d'un voyage à Genève, alors que j'étais en Sciences-Po, en 1972. Il avait été inspiré par une réception à l'ancien siège de la Société des Nations, devenu siège de l'ONU. J'espère que cette nouvelle version vous plaira. Après avoir vu le remake du film "Le jour où la terre s'arêta" (2008) avec Keanu Reeves, je me rends compte qu'il avait aussi été inspiré par ce film du même nom, réalisé par Robert Wise (1951), que j'avais vu lors d'un festival de SF, à Grenoble.

Le visiteur (1972)

Il était seul.

De l’esplanade pavée de grandes dalles blanches, l’on découvrait l’immensité de la ville : une forêt hérissée de gratte-ciel dont la pointe semblait noyée dans la brume légère qui la nimbait.

Son seul compagnon était le silence. Un silence absolu, total, aussi immense que l’immensité de la ville.

Certains l’auraient trouvé « pesant », ou même « menaçant », mais le visiteur ne connaissait pas ces mots ni l’un ni l’autre de ces sentiments. Pour lui le silence était le silence, rien d’autre.

Mais pour ceux qui habitaient la ville, cela aurait dû paraître anormal car celle-ci vivait perpétuellement entourée du brouhaha fait par le bruit des voitures, des klaxons, des sirènes et de bien d’autres qui rythmaient ses activités et étaient synonymes de la vie. Sans doute ses habitants n’y prêtaient-ils pas attention mais, aujourd’hui, s’ils avaient pu l’entendre, ce silence les eût surpris et dérangés et ils se seraient inquiétés.

Le visiteur ne s’en inquiétait pas, lui. Tout ce qu’on entendait, c’était le léger bruit du vent qui soufflait sur l’esplanade et entre les tours altières. Mais ce vent n’agitait aucun arbre, car il n’y en avait pas ici, sur cette esplanade immaculée, où rien n’aurait pu évoquer la vie. Seules quelques rides troublaient la sérénité des bassins emplis d’une eau limpide. Seules, au haut des mâts, ondulaient mollement des centaines de bannières colorées.

Devant lui, dominant l’esplanade de toute sa prodigieuse hauteur, se dressait un building de verre et d’acier dont la masse semblait l’interpeller avec une supériorité feinte, lui, le visiteur.

Il leva les yeux vers le ciel. Il était clair et calme. Il n’y avait pas un nuage. Pas un avion non plus, ni un oiseau. Comme montait le soleil, la ville se défaisait un à un de ses voiles de brume.

Tournant le dos au soleil, le visiteur s’avança vers l’immeuble. Ses pas claquaient dans le silence sur les dalles de marbre. A ce bruit, il tressaillit, tant il se savait seul.

A présent, il avait atteint les grandes portes de verre. Il savait que, peu avant qu’il ne se présente devant elles, elles s’ouvriraient dans un chuintement discret pour le laisser passer. Il savait aussi qu’en pénétrant dans le vaste hall aux murs froids et métalliques, la même magie, dont les hommes étaient si fiers, opèrerait indéfiniment, jusqu’à ce qu’il ait atteint, au 32ème étage, la terrasse depuis laquelle on dominait la ville.

Un mince sourire effleura son visage lorsque ses yeux se posèrent sur le sigle des Nations Unies de la Terre. Le monde des hommes s’y dessinait en filigrane, perdu au centre du grand mur bleu. C’était donc l’image qu’ils se faisaient de la paix. Quelle étrange vision et quelle étrange notion avaient-ils de l’unité ! Unité dans la mort, unité dans la violence et dans la destruction ? Oui, sans doute…

Il y avait seulement quelques jours, le monde qui lui était apparu, à lui, le visiteur n’avait rien à voir avec cette image plate et sereine, reproduite là, sous ses yeux. La Terre qu’il avait découverte était livrée à la violence, à la misère, à la haine, à la folie, à la souffrance… Voilà ce qu’il avait vu, lui, le visiteur, à la place de cette image artificielle et fausse.

La haute porte bleue s’était effacée devant lui.

Il se revit à quelques jours de distance, dans cette salle hémisphérique, approchant lentement de la tribune où il allait s’adresser aux représentants des nations de la Terre.

Il avait parlé avec ses mots, en absolue sincérité de cœur et d’âme à ces gens qu’il croyait encore susceptibles de comprendre : il avait dit la loi d’Amour, l’Univers Un dans lequel la Terre avait son rôle à jouer… Ce rôle, elle ne le jouait plus. Volontairement ? On lui proposait, pour sauver l’humanité de la destruction totale vers laquelle elle se dirigeait, d’entrer dans la grande Alliance. Pourquoi la Terre refuserait-elle ? Lui-même débordait d’amour lorsqu’il avait prononcé ces paroles.

Mais, soudain, alors qu’il ne s’attendait à rien de ce genre, il avait senti son cœur éclater, une terrible douleur à la poitrine, une grande déchirure de tout son être... Il avait encore tenté de prononcer les mots importants qui lui restaient à dire mais un bruit immense avait envahi sa tête, un vacarme énorme, démesuré issu de son propre organisme blessé qui se mélangeait aux cris et au brouhaha de la salle.

Il s’était affaissé sur l’épais tapis bleu. Il se souvenait d’avoir remarqué tout près de ses yeux cette tache qui grandissait, s’élargissait…

La souffrance de son âme avait été bien plus intolérable que celle de son corps. Son corps, cela avait à vrai dire bien peu d’importance. Des corps, il pouvait en avoir d’autres… Mais ce qui lui était si douloureux, c’était qu’il avait échoué dans sa mission. Ils ne l’avaient pas écouté, pire, ils ne l’avaient pas compris, PAS COMPRIS !

Le silence avait brusquement succédé aux cris lorsque les portes avaient volé en éclat pour laisser passer ses compagnons venus rechercher son corps étendu, là, sur le tapis bleu, maintenant imbibé de son sang.

Il était seul de nouveau. Le soleil chauffait son nouveau corps. La Terre était belle, pourtant. Pourquoi les hommes n’avaient-ils eu de cesse de la défigurer, de la détruire, de rompre les équilibres admirables qu’elle avait mis des millénaires à établir ?

Après son échec, les évènements avaient suivi leur cours. Les forces galactiques s’étaient mises en attente afin d’intervenir dès que les premiers nuages de poussières radioactives apparaîtraient dans l’atmosphère. En quelques jours, ils avaient nettoyé le ciel, mais ils n’avaient pu empêcher les ultimes combats dans lesquels les survivants avaient fini par s’entretuer. Sur Terre, la vie s’était rapidement éteinte. Maintenant, la planète était irradiée pour des milliers d’années. L’axe de celle-ci s’était incliné de quelques degrés, provoquant des tempêtes et des catastrophes aux conséquences incalculables. Les océans étaient montés, recouvrant de leurs eaux les orgueilleuses cités de béton et d’acier.

Si on l’avait écouté, est-ce que cela aurait changé grand-chose ?
La Terre n’aurait-elle pas été un poison introduit au sein de l’Alliance ? De toute manière, il n’était plus temps de regretter ou de juger, de dire si cela aurait été bien ou mal… Cela était, voilà tout, les hommes avaient choisi et précipité leur destin. La vie continuait ailleurs sous d’autres formes.

Quant à la Terre, il lui restait le silence.

Le visiteur marcha vers l’engin métallique posé sur l’esplanade. Il brillait au soleil comme brillait l’océan sans limite qui recouvrait la Terre.

Genève, 1972
Aubenas, 2007

samedi 11 août 2007

Hugo, le rat que j'ai sauvé de la noyade...


C'était il y a deux ans, le 17/08/2004. J'avais raconté cela sur le forum Wanadoo mais je n'en avais pas gardé trace. C'est grâce à Rosy, que je remercie (voir son site dans la rubrique sites amis) que je peux vous faire partager cette histoire.

Après Puck, le pigeon, c'est un rat que j'ai sauvé. (Quelle horreur, un rat ? Oui, un rat !) Il faut croire que je suis programmé pour tomber sur tous les animaux à sauver de la création. Ce soir, il y a eu un orage extraordinaire dans ma ville. Je n'en avais jamais vu comme ça. Sortant du boulot, résigné à me faire tremper en rentrant chez moi (j'ai la ville - petite - à traverser à pied), je me suis cependant arrêté à l'abri dans le hall d'un magasin car l'orage redoublait de violence. Tout à coup, de l'autre côté de la rue, une bouche d'égoût qui dégorgeait s'est soulevée et il en est sorti... un rat. Un rat gris, tout ce qu'il y a de plus rat d'égoût. La pauvre bête était groggie, à moitié noyée. Il s'est malgré tout mis sur son derrière à se nettoyer au milieu des torrents d'eau qui empiraient. Je pensais en moi-même : mets toi à l'abri, tu vas te faire emporter ! Enlève-toi du milieu ! Mais il devait être tellement sonné qu'il ne réagissait plus. J'étais bien embêté. Je n'avais rien sur moi et je dois dire que n'ai pas de sympathie particulière pour les rats d'égoût. Je me suis demandé un moment ce que j'allais bien pouvoir faire mais ma compassion a été la plus forte. J'ai vidé mon sac à dos dans le hall du magasin où je m'abritais tant bien que mal, trouvé un sac plastique qui était dans le fond du sac et je me suis approché du "bestiau". Je l'ai poussé du pied pour le mettre sur le côté de la rue. Il est tombé sur le côté. Il était si piteux, il était en fait à demi mort et quand j'ai vu qu'il ne réagissait pas je l'ai poussé dans le sac puis je suis rentré chez moi aussi vite que j'ai pu, tenant le sac entrouvert à bout de bras en priant le ciel qu'il tienne jusque là. Arrivé chez moi, j'ai vidé le sac dans une corbeille en plastique (qui avait déjà servi pour transporter Puck chez le vétérinaire). Le rat respirait faiblement. Je suis allé chercher le sèche cheveux et je l'ai séché. Au bout d'une 1/2 heure, il a essayé de se mettre debout. Je lui ai mis du lait sous le nez et, voyant qu'il était trop faible pour boire de lui-même, je suis allé chercher un compte goutte qu'il a consenti à téter. Entre temps j'avais eu la bonne idée d'aller chercher une vieille cage à oiseaux dans laquelle j'ai mis des copeaux propres. Bien m'en a pris car un moment après, je n'aurais plus pu l'attraper. Une fois qu'il a eu récupéré, il faut voir comment une petite bête comme ça peut sauter, courir, grimper, bref. Mais, bien que j'aie pris la précaution de mettre des gants pour l'attraper, il n'a jamais essayé de me mordre. Pourtant il était affolé. Il poussait de petits cris déchirants. ce soir, il est dans la cage, avec du lait, du pain, du gruyère et... il roupille. je le relâcherai au jardin demain. C'était l'histoire d'Hugo...

Epilogue : Je l'ai en effet relâché le lendemain dans le fond du jardin et il est parti sans demander son reste.

Dans son commentaire, Rosy ajoutait : "J'espère que tu rencontreras d'autres animaux à sauver, tout être vivant à droit au respect qu'il soit de poils ou de plumes.  Merci à Roland." 
Je peux la rassurer sur ce plan. Depuis, j'ai dû encore venir en aide à 5 ou 6 pigeons car eux aussi ont un 6ème sens pour se mettre en travers de mon chemin quand ils sont en mauvaise passe...

jeudi 9 août 2007

Cittàgazze : un monde au-delà du monde...


Cittàgazze : un monde au-delà du monde, mon monde...

Cittàgazze. Ce nom fait référence à une ville imaginaire à laquelle accèdent Will et Lyra dans le 2ème volume de la trilogie "A la croisée des mondes" de Philip Pullman, "La tour des anges".
Voici comment Will découvre Cittàgazze :
"(Will) atteignit un grand rond-point où la route qui menait vers le nord traversait la rocade d'Oxford qui allait vers l'est et l'ouest. A cette heure tardive, il y avait peu de voitures, la route sur laquelle il avançait était calme; de jolies maisons se dressaient de chaque côté, en retrait, derrière de vastes étendues d'herbe. Sur le bord de la route, en lisière de l'herbe, étaient plantées deux rangées de marronniers, d'étranges arbres coiffés de couronnes feuillues parfaitement symétriques, ressemblant plus à des dessins d'enfants qu'à de véritables arbres. Impression renforcée par les lampadaires qui conféraient à cette scène un aspect artificiel, comme un décor de théâtre. Ivre d'épuisement, Will aurait pu continuer à marcher vers le nord, ou bien s'allonger dans l'herbe sous un de ces marronniers, et dormir, mais tandis qu'il essayait d'éclaircir ses pensées, arrêté au bord de la route, il vit soudain un chat.
"C'était un chat tigré, comme Moxie. Il sortait à pas feutrés d'un jardin, du côté de la route où se trouvait Will, qui posa son cabas et tendit la main; le chat vint frotter sa tête contre lui, comme l'aurait fait Moxie (...).
"Le chat finit par s'éloigner. C'était la nuit, il y avait tout un territoire à surveiller, des souris à chasser. Il traversa la route au petit trot, en direction des buissons juste derrière les marronniers, et là, il s'arrêta.
"Will, qui l'avait suivi des yeux, vit le chat se comporter de manière étrange.
"L'animal tendit la patte, comme pour tapoter un objet flottant devant lui, une chose totalement invisible aux yeux de Will. Et tout à coup, le chat fit un bon en arrière, le dos arqué et les poils hérissés, la queue droite (...).
"Après quelques secondes de reniflements, de coups de patte timides, de tressaillements de moustaches, la curiosité l'emporta sur la méfiance.
"Le chat s'avança... et disparut.
"Will demeura bouche bée. Il se pétrifia, près du tronc de l'arbre le plus proche, lorsqu'un camion déboucha dans le virage et le balaya avec ses phares. Lorsqu'il fut passé, Will traversa la route, en gardant les yeux fixés sur cet endroit qui intriguait tant le chat. Ce n'était pas facile, car il n'y avait aucun point de repère; malgré tout, lorsqu'il arriva sur place et examina attentivement les lieux, il vit cette chose.
"Sous certains angles seulement. C'était comme si on avait découpé un trou dans l'air, à environ deux mètres du bord de la route (...). Si vous vous teniez à la hauteur de la parcelle de vide, celle-ci était quasiment indécelable, et même totalement invisible (...).
"Mais Will avait deviné, sans le moindre doute, que cette parcelle d'herbe, de l'autre côté, appartenait à un monde différent. Il n'aurait su dire pourquoi. Toutefois, il le comprit immédiatement (...).
"Et cette seule raison le poussa à se pencher en avant pour y regarder de plus près. Ce qu'il vit alors lui fit tourner la tête et battre le cœur plus fort, mais il n'hésita pas un instant : il fit d'abord passer son cabas, puis à son tour il se faufila à travers ce trou dans l'étoffe du monde, pour pénétrer dans un autre.
"Will se retrouva sous une rangée d'arbres. Ce n'étaient pas des marronniers, c'étaient des palmiers, qui formaient une ligne au bord d'une étendue d'herbes, comme les arbres d'Oxford. Mais ils étaient plantés au centre d'un immense boulevard, de chaque côté duquel se succédaient cafés et petits commerces, tous éclairés de lumières vives, tous ouverts, tous totalement silencieux et déserts, sous un ciel chargé d'étoiles. Le parfum des fleurs et l'odeur salée de la mer saturaient l'air de la nuit."

Si cela vous a plu et que vous vouliez en savoir davantage, lisez les magnifiques livres de Philip PULLMAN, "La tour des anges", vol II de la trilogie "A la croisée des mondes" (Edité dans la collection Folio SF ou Folio Junior, chez Gallimard).

Moi, je vous ai seulement présenté Cittàgazze. Sachez seulement que ce n'est pas un monde aussi idyllique qu'il y paraît !Je vous dirai plus tard ce que m'évoque cette desciption. Toute l'actualité sur "A la croisée des mondes" sur : www.cittagazze.com

L'association Cévennes Terre de Lumière


Voici une photo de quelques membres de l'association lors d'une sortie au Val des Nymphes (Lagarde-Adhémar Drôme) au printemps 2007.

J'ai créé l'association "Cévennes Terre de Lumière" pour la connaissance et la sauvegarde du patrimoine Vivarois en 1976. Cette association compte env. 300 adhérents et organise des visites régulières. Si vous voulez avoir de plus amples informations sur elle, rendez-vous sur son site : http://www.ctl-ardeche.com/ et par e-mail : contact@ctl-ardeche.com

mercredi 8 août 2007

L'origine de mon prénom : Roland


Origine germanique : "du pays glorieux". Emotifs, actifs, caractères ouverts, coopératifs. Gourmets, un peu flambeurs, sensibles, brillants, habités par le doute. Sociables, bien que "pointilleux". Affectueux, charmeurs, attachés au foyer. C'est bien moi !
Plus développé dans un excellent ouvrage de référence sur les prénoms :
Roland - fête le 15 septembre - "On se souvient du pays d'origine pour le glorifier : hrod-land, "la terre glorieuse", le "pays de la gloire". L'homme rêve du bonheur perdu, du pays de cocagne souvenir d'un lointain Âge d'or. La "Terre glorieuse" n'évoque-t-elle pas, pour tous les hommes, celle de l'Eden des origines adamiques ? Celle qui devra devenir l'héritage de nos enfants si l'humanité progresse en sagesse et non en violence... Cette "terre glorieuse" évoque aussi le "pays de lumière", le "monde blanc", le Gwenved des Celtes.
Un prénom d'espérance et de nostalgie qui, placé dans le bon courant humanitaire, pourrait susciter une vocation de dévouement au travail d'amélioration des conditions de vie sur notre planète."
Cf. Jacques et Chantal BARYOSHER : L'âme des prénoms. Paris, Presses de la Renaissance, 1997.
Vous comprendrez ainsi un peu mieux pourquoi l'une de mes chansons préférées est "Le paradis blanc" de Michel BERGER (voir mon post du 11/06/2008 et la vidéo correspondante).

mardi 7 août 2007

Les animaux que j'ai aimés : Puck, le pigeon

La mort de Puck

Je suis au jardin. Nous sommes le 14 juillet 2005 et je suis en repos. Je viens d’aller déplacer le tuyau d’arrosage pour le mettre au pied des quelques rosiers (dont le Mermaid) qui se sont sauvés du « naufrage » depuis que je ne m’en occupe plus assez, c’est-à-dire depuis la création de ma société fin 2001. J’ai voulu enlever quelques herbes autour de la « tombe » de Puck. Je pensais que, depuis sa mort, il y a maintenant près d’un an, je n’aurais pas de réaction, à part un petit pincement au cœur comme chaque fois que j’y pense… Mal m’en a pris. Je me suis retrouvé à genoux, en larmes, comme une véritable fontaine, impossible à arrêter. En fait, moi qui croyais avoir fait le deuil de ce petit être qui a partagé ma vie moins de quatre mois, je me suis rendu compte qu’il n’en était rien. Il est vrai que cela ne fait pas encore tout à fait un an. Mais je ne croyais pas être à ce point marqué par ce décès. Des décès d’animaux domestiques, j’en ai connus des tonnes. Mais rien d’aussi marquant que la mort de Puck dont, au fond, je me sens peut-être encore responsable. Rocou est morte de sa belle mort, elle avait 11 ans (11 ans parmi nous, peut-être en avait-elle douze, en réalité). La seule chose que je me reproche c’est de ne pas l’avoir gardée avec moi dans ma chambre la nuit de sa mort. Maman l’a fait à ma place. Cela n’aurait rien changé car elle était visiblement au bout du rouleau et elle s’est éteinte, selon l’expression en tout point justifiée dans ce cas « comme la mèche d’une bougie ». Mais, pour Puck, je crois que je me reproche de l’avoir fait euthanasier (alors qu’il n’y avait pas d’autre solution). Je lui ai enlevé la vie. Et je l’ai en quelque sorte trahi. Je crois que c’est cela, le pire. Avoir trahi la confiance de ce petit être qui ne voyait, qui ne croyait, qui n’aimait que moi. Et moi, je l’ai conduit chez le vétérinaire pour l’euthanasier. Je sais que la mort a été instantanée. Qu’il n’a pu souffrir ni même avoir le temps de se rendre compte qu’il était mort. Je me suis même laissé aller à penser que, si nous pouvions, nous humains, compter que, lorsque nous savons que c’est fini, nous pouvons opter pour une mort aussi rapide et efficace, ce serait merveilleux. Sur le moment, j’ai même envié le sort des animaux qui étaient traités ainsi. Je l’ai gardé sur mes genoux pendant que Petra, l’adorable vétérinaire qui s’est occupée de cela, préparait la seringue (une grande seringue d’un liquide rouge). Je lui ai tenu les ailes (il était dans une telle confiance qu’il ne se débattit même pas) pendant qu’elle faisait pénétrer l’aiguille jusqu’au cœur. La mort a été tellement instantanée que je ne savais pas s’il était seulement endormi ou s’il était réellement mort et, voyant que je ne bougeais pas, Petra m’a dit avec infiniment de douceur : « Vous savez, vous pouvez y aller. C’est fini : il n’a rien ressenti ». Et en effet, alors que je le tenais, je n’ai ressenti aucun spasme de douleur ou même un spasme purement physique me laissant penser que la mort était intervenue. Pour moi, il dormait, tout simplement, dans la confiance absolue qu’il m’avait toujours manifestée. J’ai eu un moment de désarroi total. Je l’ai embrassé dans ses douces plumes du dos (il sentait toujours le bébé – une vraie odeur de bébé nourri au lait-). Et je ne savais trop quoi faire. Elle m’a proposé de le garder pour l’incinérer. Mais j’ai dit « non » presque brusquement. Elle n’a pas voulu que je la paye et je n’ai pas insisté car je savais que je ne pourrai retenir mes larmes. Arrivé à la voiture, toujours serrant le petit corps inerte mais encore tiède contre moi, je l’ai précautionneusement posé dans le panier dans lequel je l’avais apporté et je suis rentré chez moi. Arrivé à la maison, j’ai tourné et viré, ne sachant quelle décision prendre [texte non terminé...]

(J’ai écrit ce texte en juillet 2005 et je le retrouve, inachevé en février 2006… et l’émotion, sinon les larmes, est toujours là et je ne me sens pas le courage de terminer).

dimanche 5 août 2007

CINEMA : "HARRY POTTER ET L'ORDRE DU PHENIX"




Passionné par la saga Harry Potter, j'ai lu tous les livres en français puis je les ai relus en anglais. C'est d'ailleurs grâce à Harry Potter, je crois bien, que je me suis mis à relire régulièrement en anglais. Bien que J'aie étudié l'anglais jusqu'à la licence et que je n'aie jamais cessé de lire en anglais, je ne m'étais jamais attaqué jusque là à des oeuvres d'une telle importance. Le dernier Harry Potter (et les reliques de la mort), qui est le plus volumineux de la saga, fait tout de même près de 900 pages ! 
En effet, même si je n'ai rien à reprocher aux excellentes traductions de Jean-François Ménard chez Gallimard  (qui est tout de même l'un de nos plus grands éditeurs*)  - à part quelques partis-pris, en particulier en ce qui concerne les transcriptions de certains noms ou de pures inventions de l'auteur -, lire un livre dans la langue originale (quand on le peut !) est toujours beaucoup plus gratifiant que de le faire à travers une traduction, si bonne soit-elle. 
J'ai aussi vu (et revu) les films et, là aussi, même si je ne suis pas toujours d'accord à 100 % avec le parti-pris des réalisateurs et producteurs  d'opérer des coupures ou des raccourcis (rendus indispensables par la longueur et la densité des livres), je peux le comprendre et ne leur jetterai pas la pierre car je ne sais pas ce que je ferais à leur place. En ce qui concerne les films, je vous renvoie à mon blog cinéma Ciné Rock07


* Bien qu'il ne soit pas exempt de tout reproche : par exemple, pour moi qui parle aussi espagnol, les traductions d'immenses poètes comme Pablo Neruda ou Federico Garcia Lorca  (eux aussi publiés par Gallimard) seraient entièrement à reprendre. Il faut dire que traduire de la poésie, plus encore que n'importe quel type de littérature, relève de l'exploit.     

Mes poésies : "Paroles du vent" (Face au ciel)

Photo Roland Comte
Face au ciel

Je suis face au ciel
un simple ciel bleu
parcouru de quelques nuages vagabonds
éclairés par la lumière du soleil

Je me dis que c’est beau
qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais
spectacle plus réussi, plus achevé

J’imagine, au-delà, l’infini noir de l’espace
et je me vois oiseau flottant
sur la ténuité de l’air impalpable

N’est-ce pas cela la liberté ?
Pouvoir voler ? Toucher le ciel
et admirer la beauté et l’infini du monde ?


(Aubenas, 21 août 1988)

Mes poèmes "Paroles du vent" (Greenland)




Greenland

Je suis venu d’un loin pays de brumes
A chevaux galopants
Depuis le fond des âges
Et le fond de l’abîme
Je suis venu, fuyant le gris, le froid, le blanc

Longtemps, j’ai traversé les mondes
J’ai erré longuement à travers les corridors du temps
J’ai quitté cet étrange domaine
Où les murs étaient faits de cristal
Et où le vent soufflait nuit et jour, jour et nuit

A chevaux galopants, j’ai écarté le temps
Et suis sorti de son royaume
Derrière moi, sont retombées les pesantes tentures et
Se son éteintes les torches
Les portes d’or se sont fermées dans un grincement sourd

Sans un regard, la citadelle j’ai quitté

Alors, j’ai cru être sauvé

Là-bas, la terre verte et le ciel se joignaient
Un gazon ras recouvrait le sol jusqu’à la mer
Sur des rocs escarpés se dressaient de hautes citadelles
Faites de pierres grises, et bardées d’orichalque

Les souvenirs me viennent de musiques anciennes
Résonnant comme en des cathédrales

Je vois des îles, des chemins empierrés
Où le pas des chevaux sonne comme sur du métal
Des étoiles glacées et des forêts immenses
Que traversent des ombres silencieuses et fugaces

Et puis, parfois, des places blanches, inondées de lumière
La chaleur bruissant et les fontaines murmurantes

Mais de nouveau le brouillard est venu
Agrippant le flanc des montagnes aigues et noyant leurs sommets
Et la mer, toujours grise
Une plage immobile, des rochers acérés dressés abruptement
Face à l’inconnu peuplé de songes
Dans le lointain, toujours, il me semble entendre une corne de brume

O vent, chasse enfin de moi-même la nuit et les brumes du temps
Emmène-moi sur les sommets illuminés
Réveille enfin mon âme pour qu’elle apprenne le pourquoi
D’une quête sans fin,
Des vies que j’ai vécues,

Et m’affranchisse à jamais de la mort
Ou qu’au moins elle me donne l’oubli.

Mes poésies : "Paroles du vent" (L'étranger)



(Peinture contemporaine, Bédarieux, Photo Yvon Comte) 

L'étranger

Je suis un étranger
Etranger à moi-même et au monde
Etranger à tout ce qui n'est pas l'absolu cercle du temps

Je suis tombé un jour sur cette terre vide
Depuis ce jour, qui me semble très loin,
j'ai marché longuement
J'ai erré par des terres arides,
par des chemins secrets

J'ai cherché une cime qui portât le regard
par-delà l'horizon
jusqu'à la ligne infinie de la mer

J'ai cherché mon chemin à travers les étoiles
le sens de la parole qui, un jour,
fut le commencement

Parfois, j'ai couru, derrière des chimères
croyant reconnaître un visage, une ombre
ou le parfum de quelque souvenir

Alors j'ai poursuivi ma quête
cherchant toujours plus loin
et tentant de comprendre
pourquoi je suis venu ici
et pourquoi ce silence

Je suis un étranger
étrange vagabond perdu au milieu de la brume
marchant toujours vers un autre destin
ou le destin d'un autre

Il arpente la terre à grands pas qui s'ennuient
ne retrouvant parfois un peu de sa quiétude
qu'à regarder le ciel doucement s'assombrir
le soleil s'alanguir sur les pierres anciennes
des villages détruits
qui lui rappellent d'autres ruines

Je suis un vagabond qui cherche dans sa tête
ces chants perdus de toutes les mémoires
dont seul il se souvient

Je suis ce prince déchu d'une antique épopée
j'ai perdu la bataille
mon épée est brisée
et je reviens chez moi
mais il n'y a plus rien
plus de visage aimé, plus personne qui, comme moi, se souvienne

Je suis cet étranger qui de la main,
écarte le néant qui hante son chemin
Il marche, encore et toujours, plus loin
jusqu'à trouver la porte
de ce premier matin où tout recommencera

Et ce monde l'attend, lui, pauvre pèlerin
qui n'a rien à offrir que ses rêves et ses chants

De ce monde, il reconnaîtra l'étendue
il délimitera l'espace
En un endroit désigné par les signes
il posera la pierre
et il élèvera un palais invisible

Le ciel en formera le toit
et les chants empliront ses espaces
lorsque la gloire du seigneur y descendra

Roland Comte (Paroles du Vent)

Paris, avril 1975
Aubenas, juin 1988
Aubenas, juin 1998
Aubenas, mai 2007


Mes poésies : "Paroles du vent" (Réminiscences)


Réminiscences

Où sont les costumes de brocart
la main tendue haut
devant les murs couverts de pesantes tentures

Où est mon habit de soie verte
le loin pas des chevaux résonnant sur les dalles
le château sur l'à-pic qui domine l'abîme

Réminiscences

Une musique étrange tourbillonne dans ma tête
Autour de moi, l'air est chargé de brouillard
j'avance sur un invisible chemin
mes bras sont devenus des ailes

Réminiscences

Je passe entre deux haies de noirs cyprès
les larmes embuent mes yeux
je suis si fatigué
le voyage est si long

Réminiscences

Un paysage de forêts infinies
et de lacs brillant comme pierres de lune
et toujours cette même musique
qui me poursuit et qui m'appelle

Réminiscences

[Extrait du recueil inédit : Paroles du vent, par Roland Comte

Mes poésies : "Paroles du vent" (présentation)


J'ai commencé à écrire ces poèmes alors que j'étais en fac, à Grenoble, puis j'ai continué, modifiant, réécrivant, etc. J'avais pensé, un moment, les publier sous forme de recueil, intitulé Paroles du vent, mais la poésie en France, étant peu ou pas lue, j'y ai, pour l'instant, renoncé... Peut-être un jour... 

LES ANIMAUX QUE J'AI AIMES : Rocou


Mes amis les animaux : ROCOU

Dans ce post, je voudrais parler des animaux qui ont accompagné ma vie pendant des années. Celui qui l'a le plus marqué, ce fut Rocou, une pigeonne blanche, qui m'a accompagné 11 ans.
Avant, nous avions toujours eu des chats. La dernière chatte en date, Gribouille II (car il y avait eu auparavant sa mère, une Gribouille I), nous l'avons gardée 22 ans.
A partir de Rocou, qui fut le premier pigeon que nous avons recueilli et qui a été, comme je l'ai dit, avec nous pendant 11 ans, il y a eu de nombreux autres oiseaux. Actuellement, nous avons quatre perruches calopsytes dont je vous raconterai l'histoire. Mais commençons par Rocou...

Rocou (pigeonne recueillie en 1991 et qui vécut avec nous jusqu'en 2002)

La découverte de Rocou est un miracle en soi. Je travaillais à l’époque à Libinter, un magasin multimédia, aménagé sur plusieurs étages, le dernier étant constitué par un bureau qui s’ouvrait sur une sorte de terrasse intérieure par une baie vitrée. Le magasin, pris entre deux autres immeubles, prenait la lumière par des verrières. Comme il n’était pas climatisé, l’été, c’était un véritable four car les verrières concentraient la chaleur et la seule véritable prise d’air (avec les portes sur la rue) étaient par la porte fenêtre de ce bureau au dernier étage. Nous étions en septembre et il faisait encore très chaud. Nous ne pouvions même pas laisser ouvert entre midi et deux à cause des alarmes qui se déclenchaient au moindre souffle d’air. Aussi, la personne responsable à l’époque du magasin, mon supérieur, André Richard, que tout le monde appelait Dédé, avait la charge de fermer cette fameuse porte fenêtre entre midi et deux.

Ce jour là, un samedi 18 septembre 1991, il redescend du bureau avec, dans la main, une bien piteuse petite chose : un oiseau, de race indéfinie, plus gris que blanc, ramassé sur lui-même, les pattes recroquevillées sous lui (à telle enseigne que, sur le moment, je les ai cru absentes ou cassées…), visiblement en très mauvais état. Comme il sait que j’aime les animaux et que je rentrais à midi chez moi (lui, habitant à quelques kilomètres d’Aubenas, ne rentrait pas manger chez lui ce jour là), il me le confie.

Comme j’ai un jardin, je pensais l’y relâcher dès que je l’aurais « requinqué » un peu (si toutefois, il survivait !)

En arrivant chez moi (je n’ai pas beaucoup de temps entre midi et deux), je regardais où je pouvais le mettre en attendant mieux. J’avais un vieux garde-manger à la cave qui ne servait plus. J’y ai mis de vieux journaux, l’oiseau dedans, avec de l’eau et des graines que nous donnons l’hiver aux « oiseaux du ciel », principalement des mésanges, qui viennent nous les réclamer pendant la saison froide. J’examinai rapidement ses pattes et je vis, à mon grand soulagement, qu’elles étaient bien présentes mais qu’elles étaient engluées dans une espèce de « ciment » très dur. Ma première réaction était motivée par le fait que, souvent, les pigeonneaux se font dévorer les pattes par les rats alors qu’ils sont encore au nid, quand ce n’est pas l’animal entier qui est dévoré vivant. « Dura lex » que celle de la nature, « sed lex ». Il n’y a pas si longtemps, dans nos campagnes, c’étaient les nouveaux-nés que les rats dévoraient… Horrible, je sais, mais c’est la vérité !

Donc, après m’être occupé comme je le pouvais de « l’oiseau » (nous ne l’avons appelé Rocou que bien plus tard, et encore avons-nous mis des années à nous y faire…), je repartis travailler avec l’espoir que, le soir lorsque je rentrerais, elle serait toujours en vie, sans y croire vraiment, vu son état de faiblesse lorsque je la laissai.

Le soir, c’est avec un petit pincement au cœur que je m’approchai de la cage improvisée. Elle était toujours en vie, essayant de se redresser sur ses pattes mais tombant à chaque fois sur le côté. Je renouvelai l’eau et les graines, lui parlant, regardant à nouveau de manière un peu plus approfondie ce qui lui engluait les pattes. Je compris alors que cela devait être la fiente accumulée au fond du nid (ou plutôt du grenier) d’où elle était tombée dans cette cour intérieure. Je pensais que si Dédé ne l’avait pas trouvée, elle serait morte de déshydratation en quelques heures dans cette cour sans ombre et bordée de murs dont elle n’aurait jamais pu s’échapper. Comme j’ai pas mal d’amis qui s’occupent d’écologie (je suis moi-même président d’une association de défense du patrimoine), je téléphonai à une amie, Suzy, pour lui demander conseil sur ce qu’il fallait faire d’un oiseau dont les pattes étaient engluées par le guano. Après plusieurs coups de fil de son côté, elle me rappela pour me dire « Surtout, ne fais rien ! » En effet, elle me dit qu’il ne fallait pas toucher aux pattes des oiseaux, car les pattes d’un oiseau (surtout jeune) sont d’une extrême fragilité et cassent comme du verre. Elle me conseilla de renouveler la litière tous les jours, changer le journal par de la paille, et que cela tomberait tout seul. En attendant, la future Rocou dormait (je ne savais pas encore si elle allait s’en tirer – j’ai vu beaucoup d’oiseaux que nous avions recueillis mourir brusquement après plusieurs jours où ils avaient l’air en parfaite santé) et je n’étais pas très optimiste sur ses chances de survie..

Ce qui compliquait les choses, c’est que, le lendemain, de guidais une sortie sur l’architecture romane des Cévennes dans les cadre de ce que l’on appelait alors les « Journées portes ouvertes dans les monuments historiques », et je ne pouvais absolument pas l'annuler.

Le lendemain soir, de retour à la maison, je ne savais pas trop ce qui m’attendait. Mais Rocou était toujours vivante et elle commença à me manifester, autant qu’elle le pouvait alors (en remuant les ailes), de l’intérêt. Elle avait bu et elle avait mangé. Je l’examinais de nouveau et je constatai avec surprise, que quelques morceaux de guano s’effritaient et commençaient à tomber. Je pensais que nous étions sur la bonne voie. Le lundi, j’allai acheter de la paille à lapins (ce serait à refaire, j’achèterais des copeaux de bois), et tout rentra dans l’ordre au bout de quelques jours.

Voilà pour la découverte. Après, Rocou commença d'elle-même à s’intégrer à la famille, composée de mes parents, d’une vieille chatte, Gribouille, depuis décédée à l’âge de 22 ans, et de moi, célibataire endurci. Au début, des amis nous prêtèrent une cage plus adaptée que le garde- manger. L’oiseau indéterminé (et qui, lorsque nous l’avons récupéré, n’était plus tout à fait un bébé mais pas encore un adulte) devint un très beau pigeon (ou plutôt une pigeonne, nous nous en rendîmes compte lorsqu’elle prépara son premier œuf) blanc, immaculé, avec juste une tache noire sur le sommet de la tête.

Les premiers temps, nous nous observâmes, en quelque sorte, puis, très vite, Rocou devint un membre de la famille à part entière, participant aux repas, aux apéritifs, et même aux conversations, s’imposant parmi nous comme l’aurait fait n’importe quel animal domestique, ayant « ses têtes », appréciant certains de nos amis, pas d’autres. Elle finit par ne plus vouloir rentrer dans sa cage, qui ne servait plus qu’à la transporter lors de voyages, en particulier pendant les vacances d'été (lorsque je partais quelques jours). Lors de mes premières vacances en juillet ou août de l’année suivante (je l'avais recueillie en septembre), je la descendis à mes parents qui passaient deux à trois mois dans leur maison de Varage, au bord de l’Etang de Berre. Cette fois-là, je partais avec ma belle-sœur et mon frère pour 10 jours à Malte. Les premiers jours de mon absence, elle ne s'alimenta pas (ma mère me le dit à mon retour) et c’est grâce aux pistaches qu’elle survécut. En effet, ma mère avait découvert qu'elle adorait les pistaches qui accompagnaient souvent l'apéritif; elle arrivait à lui en faire manger une ou deux puis deux ou trois (coupées en petits morceaux). Elle en devint « accro » comme, plus tard, lorsqu’elle prépara sa première couvaison, au gruyère râpé – jusqu’à ce que nous soyons obligés de le lui rationner ! Lorsque je revins de ce premier voyage, elle coucha la première nuit sur mon oreiller, à côté de ma tête, ce qu’elle ne fit plus jamais après.

Elle aimait aussi par-dessus tout la croûte de la pogne de Romans, qu’elle nous pelait complètement. Nous ne pouvions nous le permettre que lorsque nous étions seuls car si nous, nous ne la craignions pas, nous ne pouvions imposer cela à nos amis ou à nos familiers. Elle en était arrivée à prendre ses repas avec nous. Pour ce faire, nous lui avions aménagé une caisse en bois avec des rebords assez hauts car, le gros problème avec un pigeon, c’est qu’elle trie parmi les graines celles qui lui conviennent le mieux et, d’un coup de bec aussi précis qu’un revers de Mac Enroe, elle éjecte le reste. Donc, lorsqu’elle était à table avec nous – c’est-à-dire sur la table -, nous en prenions souvent dans nos assiettes, ce qui n’était pas dramatique car, somme toute, ce n’étaient que des graines, mais relativement désagréable pour des humains qui ne se nourrissent pas de graines.

L’autre problème –ne nous voilons pas la face ! – étaient les fientes. Au début, elle en semait un peu partout, mais de préférence en hauteur. L’un de ses « crottoirs » préférés était un grand miroir ancien que nous avons dans la salle à manger. J’ai dû bourrer l’arrière avec du sopalin pour « récupérer » les crottes et éviter de tacher la tapisserie. Elle se posait aussi sur les nombreux tableaux (peints par mon père) qui ornent les murs ou sur ses statues… Même processus. Puis, au bout de quelques années, elle apprit la propreté : elle en était arrivé à crotter exclusivement à un endroit, une étagère placée en débordement au-dessus d’une porte. Ça se passait en deux temps : elle sortait de son cagibi (une pièce qui lui était réservée), se posait sur l’étagère sous laquelle j’avais pris la précaution d’étaler un vieux journal. Je criais « caca ! », d'un ton ferme, elle se tournait et faisait ses besoins. Après, nous étions tranquilles pendant tout le repas. Il a fallu du temps, c’est sûr, mais cela s’est fait presque naturellement, car elle était (et je pense que tous les pigeons le sont) extrêmement intelligente. Je pourrai citer de nombreux autres exemples.

Au bout de quelques années, comme elle ne voulait plus dormir dans sa cage, nous lui avons aménagé une petite pièce attenante à l’une de nos pièces à vivre, munie d’une fenêtre, que nous appelons « le cagibi ». Elle y avait son nid sur l’une des étagères dont été munie cette pièce. Nous l’avions repeinte et c’était assez pimpant : une vraie "chambre particulière" avec lumière et chauffage. Le soir, lorsqu’elle avait mangé, elle allait se coucher d’elle-même assez tôt (vers les 20 H) et nous ne la voyons plus jusqu'au petit déjeuner qu'elle prenait évidemment avec nous.

En vacances, la maison de Varage est équipée d’une mezzanine avec une rambarde de bois, elle se perchait de préférence sur cette rambarde, d’où elle voyait et surveillait tout. Elle allait là aussi se coucher toute seule lorsque c’était son heure, dans la chambre où je dors quand je vais passer quelques jours chez mes parents. Mais, vers la fin, le voyage en voiture non climatisée la fatiguait beaucoup et, l’année de sa mort, je ne suis pas allé dans le midi pour lui éviter la fatigue.

J’aurais beaucoup d’autres choses à raconter car elle est restée 11 ans avec nous. Elle s’est éteinte comme l’aurait fait une bougie, le 6 février 2002…