Nicolas de Staël, La route d'Uzès*
"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu'en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n'ai pas prise et dont déjà je m'éloigne, oui, c'est là que s'ouvrait un pays d'essence plus haute, où j'aurais pu aller vivre et que désormais j'ai perdu." Et, page suivante, ceci : "Et pourtant, c'est quand j'en suis venu à cette sorte de foi que l'idée de l'autre pays peut s'emparer de moi le plus violemment, et me priver de tout bonheur sur terre. Car plus je suis convaincu qu'elle est une phrase ou plutôt une musique - (...) et plus cruellement je ressens qu'une clef manque, parmi celles qui permettraient de l'entendre."
Depuis des années, un ouvrage fait partie de ceux qui ne quittent que rarement ma table de chevet, pour y revenir régulièrement. C'est L'Arrière-pays, d'Yves Bonnefoy. C'est un livre que j'ai prêté, perdu, offert, racheté plusieurs fois... Sa première édition chez Skira (Genève) date de 1972. Il est devenu ensuite introuvable puis a été réédité par Gallimard dans sa collection de poche "poésie". Il y a quelques années, lors d'un voyage à Paris, où j'avais vu une exposition sur Nicolas de Staël - que j'aime aussi beaucoup - j'avais retrouvé une réédition de l'édition d'origine, avec les illustrations en couleurs. Je l'avais immédiatement racheté. C'est cet exemplaire, qu'avec précaution et une certaine réticence, je souligne (au crayon car je n'ose utiliser l'encre) souvent, une phrase par-ci, une par-là, me disant chaque fois qu'il me faudrait souligner toutes les phrases, tous les mots, car je me sens en accord avec chacun d'entre eux. Je voudrais seulement ici, vous citer le tout début du livre :
"J'ai souvent éprouvé un sentiment d'inquiétude, à des carrefours. Il me semble dans ces moments qu'en ce lieu ou presque : là, à deux pas sur la voie que je n'ai pas prise et dont déjà je m'éloigne, oui, c'est là que s'ouvrait un pays d'essence plus haute, où j'aurais pu aller vivre et que désormais j'ai perdu." Et, page suivante, ceci : "Et pourtant, c'est quand j'en suis venu à cette sorte de foi que l'idée de l'autre pays peut s'emparer de moi le plus violemment, et me priver de tout bonheur sur terre. Car plus je suis convaincu qu'elle est une phrase ou plutôt une musique - (...) et plus cruellement je ressens qu'une clef manque, parmi celles qui permettraient de l'entendre."
Je ne sais pour vous, mais pour moi, cela évoque tellement ce monde "au-delà des rêves" que je voudrais vous faire approcher par ce blog, cela me "parle" tellement vrai, tellement en profondeur, que je me sens vibrer comme une corde de violon et que je voudrais avoir écrit ces phrases.
Si, justement, vous vous sentez en harmonie avec cet "arrière pays" si bien décrit par Bonnefoy, je ne saurais trop vous conseiller de vous procurer ce livre, même si ce n'est que dans l'édition de poche.
* Ce tableau avait été choisi pour illustrer l'affiche de l'exposition "L'arrière pays au carrefour de l'art moderne et contemporain" qui avait eu lieu au Château des Adhémar à Montélimar en 1997. (parmi les artistes exposés, de grande qualité, outre de Staël, que j'aime, d'autres qui ne me laissent pas indifférent, comme Giacometti, Tapies, Soulages... Je n'ai malheureusement pas vu cette expo, n'en ayant appris que trop tard l'existence par une de mes clientes, elle aussi passionnée de Nicolas de Staël. C'est grâce à elle que j'ai eu cette affiche. Je l'en remercie encore si, par hasard, elle tombe sur ce blog...
J'ai appris avec tristesse lors de la cérémonie des Molières 2017, la mort d'Yves Bonnefoy, décédé le 1er juillet 2016.
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