"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

lundi 27 juin 2016

LA REPUBLIQUE MATRAQUANT MARIANNE



Je viens d'entendre parler aux informations sur France 3 de cette polémique sur une fresque murale peinte sur un mur du quartier de la gare à par le "street-artiste" lyonnais Goin dans le cadre du Grenoble Street Art Fest organisé par la mairie de Grenoble.

Peinte en noir et blanc, dans l'esprit de ce que fait le génial artiste anglais Banksy dont les peintures murales mêlent toujours humour, dérision, et critique politique et sociale au vitriol, dont le message est toujours d'une redoutable efficacité.

La peinture réalisée par Goin représente Marianne, à terre, se protégeant  des coups de matraques que lui assènent deux policiers. Sur le bouclier de l'un d'eux, on déchiffre, à l'envers, les caractères 49.3. Sur la gauche de l'image (fait-il y voir un signe ?), on lit aussi le slogan "L'Etat matraquant la Liberté". 

Les syndicats de policiers, le ministre de l'intérieur, certains hommes ou femmes politiques de tous bords (en ces temps de confusion des valeurs, est-il encore nécessaire de préciser "de droite" ou "de gauche" ?), ont violemment protesté et demandé à ce que "cette fresque anti-police indigne soit immédiatement effacée". 

La municipalité, dirigée par Eric Piole, maire Europe Ecologie Les Verts, a rétorqué qu'il "s'agissait d'une oeuvre d'art et que l'art peut être subversif."

Je respecte la police quand elle fait son travail qui est de défendre les citoyens. Je la respecte nettement moins quand elle continue à matraquer un manifestant à terre, quand elle tire des grenades ou des flash-balls à tir tendu, quand elle rend un étudiant aveugle ou quand elle tue (mort de Rémi Fraisse à Sivens en 2014).

L'art, même s'il peut heurter la sensibilité, ne sera jamais responsable de la cécité d'un étudiant ou du meurtre d'un jeune.

Alors, je dis bravo à Goin et à ces artistes talentueux de rappeler à la bonne conscience soi-disant "républicaine" que le devoir de la police est certes de maintenir l'ordre mais qu'elle doit le le faire dans le respect du droit des citoyens.

Le mur doit être détruit. Je demande humblement au maire de Grenoble de sauvegarder cette fresque et de l'exposer ailleurs, pourquoi pas aux Musée des Beaux Arts de la ville dont les collections d'art contemporain sont déjà remarquables. Elle y serait parfaitement à sa place.

J'espère que cette fresque restera pour rappeler à tous, policiers et citoyens, que la liberté et la justice doivent primer sur toute autre raison et surtout sur celle de la raison d'Etat, n'en déplaise à MM. Valls, Cazeneuve ou Hollande.

Je viens d'apprendre qu'une pétition a été lancée pour le maintien de cette fresque murale. Je l'ai signée bien sûr et, si vous partagez mes idées, je vous invite à faire de même.

dimanche 26 juin 2016

BENOITE GROULT ET LE DROIT DE MOURIR DANS LA DIGNITE


Hommage de l’ADMD à Benoîte Groult

« La militante du droit de mourir dans la dignité, Benoîte Groult, est morte…
Avec la mort de Benoîte Groult, hier, c’est la disparation d’une grande figure de la liberté que pleure l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité dont elle était adhérente depuis le tout début de l’association.

Romancière de talent, elle était une militante féministe intransigeante avec le droit absolu qu’elle reconnaissait à chacun d’être maître de sa propre destinée, de son propre corps, de sa propre mort.
Membre du comité d’honneur de l’ADMD, elle militait sans relâche pour qu’une loi équivalente à celle qui existe aux Pays-Bas ou encore en Belgique soit votée en France. Ces dernières années, elle s’était montrée très déçue de l’incapacité de la France à entendre la voix de ceux qui souffrent et qui demandent légitimement qu’un terme soit mis à une vie qui n’est plus que de la survie.
Jean-Luc Romero, président de l’ADMD, et le conseil d’administration de l’association adressent leurs sentiments de sympathie émue à la famille de cette amie de très grand talent. »

Interview de Benoîte Groult sur France 5 (jeudi 23 juin 2016)

"Pendant ce bel automne passé ensemble, Hélène et moi nous avions réfléchi à l’art de mourir, comme disait Françoise Giroud. Et elle s’était enfin inscrite à l’ADMD, l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, où je milite depuis tant d’années. C’est si valorisant de se déclarer pour une mort choisie quand on est en pleine santé (…)
En fait, c’est par amour pour la vie que je voudrais la quitter à temps. J’ai trop aimé courir, grimper, skier, conduire une voiture, pour accepter de m’installer aux commandes d’un déambulateur. J’ai trop aimé le goût du vin, celui des single malt et le parfum de neiges éternelles de la vodka. J’ai trop aimé vivre auprès d’un compagnon pour affronter les jours et les nuits, pour s’assaillir, pour discourir, pour ronchonner, pour lire à deux, pour rire aussi, pour tous les plaisirs et les déplaisirs de la vie et pour doucement vieillir.
Mais comment accéder à l’euthanasie, ce beau mot grec qui signifie tout simplement ce que tout le monde souhaite : une belle mort ? Quand un philosophe est contraint de se défenestrer pour échapper à sa maladie incurable, quand une femme âgée en est réduite à s’avancer dans l’eau glacée d’un étang, jusqu’à s’y engloutir, qu’est-ce donc qu’un refus d’assistance, que le non-respect d’une personne ?" 

Benoîte Groult

vendredi 24 juin 2016

L’INFLUENCE DU RÊVE DANS LA CREATION ARTISTIQUE


On dit souvent d’un artiste ou d’un créateur, sans y prêter autrement attention, que son œuvre est « onirique ». Peu d’artistes (ou même aussi, de créateurs, de scientifiques, etc.) ont admis avoir été influencés par des rêves.


L’un d’entre eux est Salvador Dali qui a été inspiré par un rêve (en réalité deux rêves, faits à peu de distance l'un de l'autre) pour l’une de ses œuvres parmi les plus célèbres et les plus remarquables : Le Christ de Saint-Jean de la Croix. Cette huile sur toile, de 2,05 sur 1,15 m, a été peinte en 1951. Il en existe de multiples reproductions mais peu de gens savent que l’original est conservé au musée Kelvingrove, à Glasgow (Ecosse). Peu après qu’il ait été terminé, début 1952,  le tableau fut exposé dans une galerie londonienne où le Docteur Tom J. Honeyman, directeur des Musées de Glasgow, le vit. Contre l’avis de son conseil d’administration et de la mairie dont dépendaient ses fonds, il décida de l’acquérir ainsi que les droits afférents. Le prix initial était de 12000 £ mais il l’obtint pour 8200 £, prix encore jugé  trop élevé par ses détracteurs, parmi lesquels les étudiants de la Glasgow School of Art qui lancèrent même une pétition contre leur directeur car ils considéraient que l’argent consacré à acquérir cette oeuvre - désormais considérée comme l'un chef d'oeuvre de l'art mondial mais décriée à l'époque - aurait été mieux employé à promouvoir les artistes locaux. Cette polémique sera à l'origine de l'amitié entre Honeyman et Dali qui engagèrent un échange épistolaire qui dura de nombreuses années.

Le tableau fut exposé pour la première fois le 23 juin 1952 au Kelvingrove Art Gallery and Museum où il fit l’admiration de plus de 50 000 visiteurs  durant les seuls six premiers mois de sa présentation,  confirmant au Dr. Honeyman qu’il avait eu raison de tenir tête à tout le monde. Un fanatique tenta cependant de  détruire le tableau en lui jetant une brique qui occasionna une importante déchirure de la toile. Après sa restauration, il est désormais exposé à l’abri d’une vitre anti-effraction.

L'originalité de la perspective et l'habileté technique firent du tableau l'un des plus emblématiques de Dali. Le sujet est traité en perspective plongeante, le regard du spectateur étant placé au-dessus de la croix dominant de très haut un paysage où l’on reconnaît sans peine - pour ceux qui la connaissent - la baie de Port Lligat dans laquelle est amarrée la barque du maître. Entre le Christ et la baie s’intercalent des nuages aux tons mystiques et mystérieux, illuminés par la clarté qui émane du corps de Jésus. Le puissant clair-obscur qui sert à rehausser la figure du Christ provoque un effet dramatique particulièrement spectaculaire.

La représentation du Christ est atypique : celui-ci est représenté par un jeune homme musclé, aux cheveux bruns et courts qui semble flotter, comme en suspension dans l'air détaché, au-dessus de la croix, elle même suspendue dans l'air sans le moindre support [1]. A part la position du Crucifié et à la différence de la plupart des représentations classiques, on ne voit aucun des attributs habituels du supplice – ni clous, ni couronne d'épines, ni sang... Seule l'inscription INRI figure à la partie supérieure de la croix mais sur une simple feuille de papier pliée traitée en trompe-l'oeil.

Dali reprit plusieurs fois ce thème de la crucifixion (en particulier dans un autre tableau, peint deux ans plus tard, en 1954, qu’il intitula Corpus Hypercubus, composition qui s’inspirait des théories du Discours sur la forme cubique de Juan de Herrera, concepteur du monastère de San Lorenzo de l'Escorial au XVIe siècle.


Dans le numéro spécial de 1952, édité par la Scottish Art Review, en réponse à des critiques qui lui étaient faites sur la position atypique du Christ, Dalí expliqua qu’elle lui avait été inspirée, d’abord par un tableau de saint Jean de la Croix, puis par deux rêves consécutifs qu’il fit lors d’un séjour en Californie :

« La position du Christ a provoqué une des premières objections sur cette peinture. Du point de vue religieux, cette objection n'est pas fondée, puisque mon tableau est inspiré de dessins de crucifixion de saint Jean de la Croix en personne. Pour moi, ce tableau devait être exécuté comme une conséquence d'un état d'extase. La première fois que je vis ce dessin, il m'impressionna de telle façon que plus tard, en Californie, je vis le Christ en rêve dans la même position, mais dans le paysage de Portlligat, et j'entendis des voix qui me disaient « Dali, tu dois peindre ce Christ »

« Et je commençais à le peindre le jour suivant. Jusqu'au moment où je commençais la composition, j'avais l'intention d'inclure tous les attributs de la crucifixion – clous, couronne d'épines, etc. – et de transformer le sang en œillets rouges sur les mains et les pieds, avec trois fleurs de jasmin qui ressortiraient des blessures du côté. Les fleurs auraient été réalisées à la manière ascétique de Zurban. Mais juste avant de finaliser mon tableau, un second rêve modifia tout ça, peut-être à cause d'un proverbe espagnol qui dit « A mal Cristo, demasiada sangre »[2]

« Dans ce second rêve, je vis le tableau sans les attributs anecdotiques : seule la beauté métaphysique du Christ-Dieu. J'avais également eu l'intention de prendre pour modèles pour le fond les pêcheurs de Port Lligat, mais dans ce songe, à leur place, apparaissait dans un bateau un paysan français peint par Le Nain, dont seul le visage a été modifié pour ressembler à un pêcheur de Port Lligat. Cependant, vu de dos, le pêcheur a la silhouette de Velázquez. Mon ambition esthétique dans ce tableau était contraire à tous les Christ peints par la majorité des peintres modernes, qui l'interprétèrent dans un sens expressionniste et contorsionniste, provoquant une émotion par le biais de la laideur. Ma principale préoccupation était de peindre un Christ beau comme le Dieu même qu'il incarne »


[1] On ne connaît pas toujours les modèles de Dali. Celui qui a servi de modèle au Christ de saint Jean de la Croix était un cascadeur hollywoodien de 32 ans du nom de Russel M. Sanders, rencontré lors d’un séjour américain du couple. Celui-ci est mort à 82 ans dans une maison de retraite de West Hollywood. Un autre des modèles masculins de Dali a été identifié. C'est le jeune homme qui figure à plusieurs reprises sur un autre tableau célèbre de Dali, La découverte des Amériques par Christophe Colomb, aussi appelé Le songe de Christophe Colomb, peint à Port Lligat en 1957-58. Le modèle, un jeune homme américain d'origine grecque s'appelait Christos (ou Jristos ou encore Xristos) Zoas. Il posa pour Dali mais refusa de le suivre en Espagne. Ce tableau fait partie de la collection Reynolds Morse à St. Petersburgh en Floride.  

[2]  L’expression exacte est « A mal Cristo, mucha sangre », ce qui se traduit par "A mauvais Christ, trop de sang" et s’utilise pour qualifier une œuvre de peu de valeur artistique où l’artiste, pour masquer son manque de talent, exagère les détails dramatiques, comme dans le style baroque, si abondant en Espagne.La représentation de Dali est beaucoup plus conforme que ces oeuvres qui représentent outrancièrement le supplice d'un corps humain au message christique originel dont tout le sens est celui de la résurrection et de la vie éternelle.     

mardi 21 juin 2016

HOMMAGE A BENOITE GROULT


Benoîte Groult était née le 31 janvier 1920 à Paris. Elle est décédée et le 20 juin 2016 à son domicile de Hyères (Var) à l’âge de 96 ans. Journaliste, romancière et militante féministe française, elle a beaucoup fait pour la cause des femmes. Elle était aussi membre de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) dans le cadre de laquelle elle militait pour une évolution de la législation française pour que la volonté du malade de mourir soit prise en compte.

Biographie

Benoîte Groult est la fille du styliste de meubles André Groult (1884-1966), renommé dans les années trente, et de Nicole Poiret (1887-1967), dessinatrice de mode, sœur du créateur Paul Poiret et grande amie (et amante pendant la première guerre, comme Benoîte le raconte de façon à peine voilée dans son roman Les Trois quarts du temps) de la peintre Marie Laurencin. Sa sœur cadette Flora Groult est également écrivain et elles ont écrit ensemble plusieurs ouvrages.

Benoîte Groult obtient une licence en Lettres et enseigne au début de sa carrière au Cours Bossuet. En 1943, elle épouse Blaise Landon qui meurt en mai 1944. En 1945, elle épouse un étudiant en médecine, Pierre Heuyer, qui meurt quelques mois plus tard. Elle entre au Journal de la Radiodiffusion à la Libération et y reste jusqu'en 1953. En 1946, elle épouse Georges de Caunes avec lequel elle a deux filles, Blandine et Lison, puis, en 1952, le romancier et journaliste Paul Guimard avec lequel elle a une fille, Constance. Elle a collaboré à diverses publications : Elle, Parents, Marie Claire, etc.

Dès l'enfance, elle cultive le goût de l'écriture, mais c’est à l'âge mûr qu’elle se lance sur la scène littéraire, d'abord avec sa sœur Flora : Journal à quatre mains (1958), Le Féminin pluriel (1965), Il était deux fois (1967). Elle est par la suite l'auteur de plusieurs best-sellers : La Part des choses (1972), Ainsi soit-elle (1975), Les Trois-Quarts du temps (1983), Les Vaisseaux du cœur (1988), La Touche étoile (2006) et Mon évasion (2008).

Sa vie et son œuvre font d’elle un témoin privilégié des bouleversements sociaux dans les rapports entre hommes et femmes qui ont marqué le XXe siècle. Son féminisme, déclaré tardivement lui aussi, est une clé de lecture essentielle de son parcours, un identifiant de sa personnalité. Avec la publication d'Ainsi soit-elle (1975), elle est la première à dénoncer publiquement les mutilations génitales féminines. Cet essai féministe reste encore d'actualité bien que les allégations dénigrant la condition féminine au Moyen-Âge semblent devoir être fortement nuancées ou même totalement révisées selon Martin Blais médiéviste reconnu.

En 1978, elle fonde un mensuel féministe avec Claude Servan-Schreiber F Magazine dont elle rédige les éditoriaux.

De 1984 à 1986, elle assure la présidence de la Commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions, fondée par Yvette Roudy, alors ministre des droits de la femme, où travaillent grammairiens, linguistes et écrivains (arrêté de féminisation publié au Journal officiel en mars 1986). Depuis 1982, elle est membre du jury Femina. Elle publie en 1986, pour la première fois, l'intégralité de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791, rédigée par Olympe de Gouges.

Clairement opposée à l’acharnement thérapeutique, elle avait demandé à ne pas être artificiellement maintenue en vie et était membre du comité d'honneur de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

En 2011, Benoîte Groult fait don de ses archives à l'université d'Angers, au Centre des Archives du féminisme (BU Angers).

Hommages

Elle a fait l'objet de plusieurs films documentaires. Anne Lenfant lui a consacré un film d’entretiens intitulé « Une chambre à elle : entretiens avec Benoîte Groult » et « Benoîte Groult ou Comment la liberté vint aux femmes », avec les témoignages de Josyane Savigneau, Paul Guimard et Yvette Roudy, édité en 2006 par Hors Champ Productions. En 2008, un volet de la série d'émissions documentaires «Empreinte», écrit par Marie Mitterrand et réalisé par Jean-Baptiste Martin, lui permet de porter un regard rétrospectif sur son parcours.

En 2013 paraît chez Grasset une bande dessinée intitulée Ainsi soit Benoîte Groult par Catel.

Décorations

  • Officier (16 mars 1995), commandeur (2 avril 2010), puis grand-officier (25 mars 2016) de la Légion d'honneur.
  • Citoyenne d'honneur de la ville de Roanne depuis le samedi 7 mars 2010.
  • Grand officier de l'ordre national du Mérite, le 2 décembre 2013, à l'occasion du cinquantenaire de l’ordre national du Mérite.

Œuvres

  • Journal à quatre mains (1958), roman écrit avec sa sœur Flora Groult
  • Le féminin pluriel (1965), roman écrit avec Flora Groult
  • Il était deux fois (1967), roman écrit avec Flora Groult
  • La part des choses (1972), roman
  • Ainsi soit-elle (1975), essai sur la condition féminine, enregistrement sonore en 2004.
  • Le féminisme au masculin (1977), essai sur les féministes
  • La moitié de la terre (1981), essai
  • Les trois quarts du temps (1983), roman
  • Olympe de Gouges (1986), textes présentés par Benoîte Groult
  • Les vaisseaux du cœur (1988), roman
  • Pauline Roland ou Comment la liberté vint aux femmes (1991), biographie
  • Cette mâle assurance (1994), essai sur la misogynie
  • Histoire d'une évasion (1997), essai autobiographique
  • La touche étoile (2006), roman
  • Mon évasion : autobiographie, 2008, enregistrement sonore en 2009)
  • Ainsi soit Olympe de Gouges (2013), biographie
  • Romans, Paris, Grasset (coll. «Bibliothèque Grasset»), 2009

[Benoîte Groult préparait un livre sur la pêche en bateau au large, passion qu'elle partageait avec Paul Guimard.]

Adaptations cinématographiques-théâtrale
  • Andrew Birkin, Les vaisseaux du cœur (1992) [Andrew Birkin est le frère  de Jane Birkin et le père d’Anno]
  • Panchika Velez (metteur en scène), Philippe Miquel (réal.), Journal à quatre mains (2010). Jouée au Théâtre de poche Montparnasse à partir de janvier 2009 et filmée en juin 2009
  • Christian Faure, 3 femmes en colère (2014), librement adapté de La touche étoile.

dimanche 19 juin 2016

HOMMAGE A OLYMPE DE GOUGES



Hommage à Olympe de Gouges

Olympe de Gouges, de son vrai nom Marie Gouze, était née à Montauban le 7 mai 1748. Elle est morte guillotinée à Paris le 3 novembre 1793. Femme de lettres, devenue femme politique, elle est considérée comme l'une des pionnières du féminisme français.

Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des Noirs.

Dans la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, l’auteure exige la pleine assimilation légale, politique et sociale des femmes. Le texte a été rédigé en septembre 1791 sur le modèle de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen proclamée le 27 août 1789, et publié dans la brochure Les Droits de la femme, adressée à la reine Marie-Antoinette [Texte intégral de 24 pages sur Gallica]. 

Premier document à évoquer l’égalité juridique et légale des femmes par rapport aux hommes, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne a été rédigée afin d’être présentée à l’Assemblée nationale le 28 octobre 1791 pour y être adoptée. Ce texte constitue un pastiche critique de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui énumère des droits ne s’appliquant qu’aux hommes, alors que les femmes ne disposaient pas du droit de vote, de l’accès aux institutions publiques, aux libertés professionnelles, aux droits de propriété, etc. Olympe de Gouges y défend, non sans ironie à l’égard des préjugés masculins, la cause des femmes, écrivant ainsi que « la femme naît libre et demeure égale en droits à l’homme ». Ainsi se voyait dénoncé le fait que la Révolution oubliait les femmes dans son projet de liberté et d’égalité. Ce projet fut refusé par la Convention.
Rappelons qu’il fallut attendre octobre 1945 pour que les femmes aient enfin le droit de vote plein et entier en France. Par comparaison, de nombreux pays nous ont largement devancé :

  • -          Nouvelle-Zélande (1893)
  • -          Australie (1901)
  • -          Finlande (1906)
  • -          Norvège (1913)
  • -          Danemark et Islande (1915)
  • -          Arménie, Hongrie, Canada, Autriche, Allemagne (1918)
  • -          Russie, Tchécoslovaquie, Pologne, Géorgie, Azerbaïdjan (1918)
  • -          Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Suède (1919)   
  • -          Etats-Unis, Albanie (1920)
  • -          Mongolie (1924)
  • -          Inde, Liban (1926)
  • -          Grande-Bretagne et Irlande (1928)
  • -          Equateur, Afrique du Sud (femmes blanches uniquement), Grèce (1929)
  • -          Portugal (1930)
  • -          Espagne (1931)
  • -          Roumanie, Thaïlande, Maldives, Uruguay, Brésil  (1932)
  • -          Cuba, Turquie (1934)
  • -          Birmanie, Philippines (1935)
  • -          Bolivie, Ouzbékistan (1938)
  • -          Salvador (1939)
  • -          Québec (1940)
  • -          République Dominicaine (1942)
  • -          France (1944 effectif en 1945), Bulgarie, etc.

  • [Liste non exhaustive]

  • Aujourd’hui, le seul pays au monde à interdire le vote des femmes est… le Vatican et, bien que la législation de ce pays se soit récemment assouplie, l’Arabie Saoudite.

Le texte élaboré par Olympe de Gouges, refusé par la Convention, est resté sans valeur légale et resta à l’état de projet. D’une part, il n’avait paru qu’en cinq exemplaires et il a été politiquement complètement ignoré tandis que, de l’autre, il a été dit que « la Déclaration a fait sensation dans toute la France, et même à l’étranger. » Il fallut attendre 1840 pour que quelques extraits de cette Déclaration soient publiés, et l'intégralité du texte ne l'a été qu'en 1986, par Benoîte Groult. L’importance historique de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne réside dans son statut de première déclaration universelle des droits humains qui élève une exigence universellement valable à la fois pour les hommes et les femmes. De cette façon, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui n’avait été arrêtée que pour une moitié de l’humanité, sans avoir été légitimée par l’autre moitié, se trouvait, en réalité, dépassée alors qu’elle continue à être transmise, dans la conscience historique moderne, comme la base des droits de l’homme. La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne constitue, de ce fait, un brillant plaidoyer radical en faveur des revendications féminines et une proclamation authentique de l’universalisation des droits humains.

En 1793, elle s’en était vivement prise à ceux qu’elle tenait pour responsables des atrocités des 2 et 3 septembre 1793. Elle désignait particulièrement Marat, qu'elle traite d' «avorton de l'humanité ». Soupçonnant Robespierre d’aspirer à la dictature, elle l’interpella dans plusieurs écrits, ce qui lui valut une dénonciation de Bourdon de l'Oise au club des Jacobins.

Dans ses écrits du printemps 1793, elle dénonça la montée en puissance de la dictature montagnarde avec la mise en place d’un Comité de salut public, le 6 avril 1793, qui s’arrogeait le pouvoir d’envoyer les députés en prison. Après la mise en accusation du parti girondin tout entier à la Convention, le 2 juin 1793, elle adressa au président de la Convention une lettre où elle s’indignait de cette mesure attentatoire aux principes démocratiques (9 juin 1793), mais ce courrier fut censuré en cours de lecture. S’étant mise en contravention avec la loi de mars 1793 sur la répression des écrits remettant en cause le principe républicain – elle composa une affiche à caractère fédéraliste ou girondin sous le titre de Les Trois urnes ou le Salut de la patrie, par un voyageur aérien –. Elle fut arrêtée le 20 juillet 1793, jour de l'affichage du texte, et déférée le 6 août 1793 devant le tribunal révolutionnaire qui l’inculpa.

Malade des suites d’une blessure infectée reçue à la prison de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Désirant se justifier des accusations pesant contre elle, elle réclama sa mise en jugement dans deux affiches qu’elle avait réussi à faire sortir clandestinement de prison et à faire imprimer. Ces affiches – « Olympe de Gouges au Tribunal révolutionnaire » et « Une patriote persécutée », son dernier texte – furent largement diffusées et remarquées par les inspecteurs de police en civil qui les signalent dans leurs rapports.

Traduite au Tribunal au matin du 2 novembre, soit quarante-huit heures après l’exécution de ses amis Girondins, elle fut interrogée sommairement. Privée d’avocat, elle se défendit avec adresse et intelligence. Condamnée à la peine de mort pour avoir tenté de rétablir un gouvernement autre que « un et indivisible », elle se déclara enceinte. Les médecins consultés se montrèrent dans l’incapacité de se prononcer, mais Fouquier-Tinville décida qu’il n’y avait pas grossesse. Le jugement était exécutoire, et la condamnée profita des quelques instants qui lui restaient pour écrire une ultime lettre à son fils, laquelle fut interceptée. D’après un inspecteur de police en civil, le citoyen Prévost, présent à l’exécution, et d’après le Journal de Perlet ainsi que d’autres témoignages, elle monta sur l’échafaud avec courage et dignité. Elle s'écriera, avant que la lame ne tombe : « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. » Elle avait alors 45 ans.

Le procureur de la Commune de Paris, Pierre-Gaspard Chaumette, applaudissant à l’exécution de plusieurs femmes et fustigeant leur mémoire, évoque cette « virago, la femme-homme, l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes, abandonna les soins de son ménage, voulut politiquer et commit des crimes [...] Tous ces êtres immoraux ont été anéantis sous le fer vengeur des lois. Et vous voudriez les imiter ? Non ! Vous sentirez que vous ne serez vraiment intéressantes et dignes d’estime que lorsque vous serez ce que la nature a voulu que vous fussiez. Nous voulons que les femmes soient respectées, c’est pourquoi nous les forcerons à se respecter elles-mêmes. »


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