Merci à Fab Delavega pour cette vidéo (Youtube)
Léo Ferré – Alors vint le printemps (Paroles et musique de Léo Ferré)
Ecoutez, Monsieur le poète,
Mais vous semblez venir d’ailleurs
Je viens d’ailleurs
Ah !
Eh bien, avant d’y retourner, allez donc parler
A ceux qui qui se lèvent
Car moi, maintenant, je ne vivrai que la nuit
A ce soir !
Je voudrais que tout s’arrêtât, que tout s’arrêtât là du
temps qu’on est des hommes
Je voudrais que cette vie s’en aille comme la mer, là-bas,
s’en va
Sur les épaules dénudées de ces rochers en robe de soirée
Rien qu’un moment, rien qu’un temps
Juste le temps de leur laver le sel
Et de leur prendre ces néons sur la place, très haut,
Ces néons de notre vie mécanique
A dix mille pour cent
Et à tout ce que tu peux inventer pour leur faire la main
Et leur couper les plombs
Et les mettre dans l’ombre de notre amour en cas de besoin
Je voudrais être l’évangile de la nuit et de l’ennui
En ces temps de pershings[1]
( ?) de Moscou
En ces temps des signaux je n’ai qu’à vous faire signe
Et vous n’en saurez rien car vous mourez des signes
En ces temps de mathématiques supérieures
Vous n’avez plus la mer
Vous n’avez plus les grands oiseaux
Vous n’avez plus les bonnes tempêtes
Qui mettaient de la musique dans les cheminées
Vous n’avez plus vos beaux amants
Qui inscrivaient l’amour dans les cris de la nuit
En ces temps de catalepsie
Vous n’avez plus cette parole
Qui vous est dictée du fond des esclavages
Des rotatives
Des antennes
Des haut-fourneaux
Des records
Quels qu’ils soient
Et vint un mec d’outre-saison
D’outre là-bas
Et de la nuit des temps
En des versets de vinaigre et d’épines et de raisons glacées
Il vous dit que les temps étaient venus
D’une mise en question de vos morales essoufflées
Il vous dit que ce temps dont on a tant parlé
Que cet enfer que vous portiez en vous
Comme un nœud de vipères
N’était qu’un paradis honteux et qu’un enfer policier
Il vous dit que les morales
Ne s’habilleraient plus en confection
Mais selon des schémas de fantaisie et de libre-service
Il vous dit que l’amour n’était plus à réinventer mais à
faire
Que l’argent n’était plus à gagner mais à prendre
Que la maladie n’était plus à dorloter mais à surprendre
Dans ses moindres détails
Il vous dit que les chemins de glace valent parfois
Les routes fleuries des printemps dirigés
Chaque fin de semaine
Chaque jour férié
Chaque minute déclarée sur la feuille des loisirs
Chaque seconde retirée à votre entendement
En ces temps de pershings (?) de Moscou
En ces temps de la réalité objective et misérable
En ces temps du dépit inscrit dans les magazines
Dans les yeux
Dans les partis-pris
Dans les oracles de radio
Et vint un mec
En cotte bleue qui portait avec lui
Les miracles du boulon, de la bielle, des freins à disque
Lisant la bible du chagrin, il en avait noté
L’inexprimé
Le non-dit
L'informulé
Les cheveux de l’horreur
Quand souffle le vent des complaisances
Les sourires du mouton sous la couverture fidèle
Les parlers gutturaux des premiers hommes titubant
Les larmes du bois dans les plaines de Beauce
L'orgueil du sang qui se verglace
Dans les rigoles de la Villette qui se souviennent
Et qui s’inventent des artères
En ces temps des pershings dans la province de Moscou
Les chevaux ne mangeaient plus d’avoine
Pas de sac à leur gueule d’acier
Aucun piaffement
Simplement le roulis d’une amicale suspension
Et qui ronronnait à l’arrêt du relais
" Et foutez m’en vingt litres, monsieur l’aubergiste"
Les chevaux parlaient mal
Ils ne hennissaient plus
Et vint un mec en simili
Pour leur mettre des couvertures anti-gel
Car il gelait très dur
En ces temps de pershings dans la province de Moscou
C'était l’hiver des grands hivers
Et du nord des neurones
"A long time ago"
Comme aurait dit Homère avec l’accent ricain...
Et vint un mec d’outre là-bas
D'outre saison
Et de la nuit des temps
Qui te tendit les bras (…)
[Le texte complet est ICI]
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