"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

dimanche 10 avril 2011

CINEMA : "GASLAND" DE JOSH FOX


Je suis allé voir « Gasland » hier après-midi au Navire, en compagnie de ma mère et d’une amie. C’était une des dernières séances à Aubenas. Pour ceux qui ne seraient pas encore au courant, il s’agit du reportage réalisé par un jeune américain, sur les conditions dans lesquelles se passe l’extraction des gaz de schistes depuis une 10e d’année aux Etats-Unis. Certains vont penser que les Etats-Unis, c’est loin, et que cela ne les concerne pas. Détrompez-vous car nous sommes tous concernés, particulièrement en France et surtout en Ardèche (mais pas seulement) où nous avons découvert l’ampleur et la gravité du problème depuis quelques mois seulement et où la réaction des populations est unanime avec celle des élus - de gauche comme de droite (qui ont été tenus à l’écart de la décision prise sans la moindre concertation par Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’environnement !!!)

Pour en revenir au film, allez le voir sans tarder et si vous ne pouvez pas le voir au cinéma, achetez le en DVD. Voici le lien avec le site et la bande annonce.

Josh Fox est un jeune américain qui vit dans la maison natale construite par ses parents au milieu des bois de Pennsylvanie, au bord de la rivière Delaware. Il dirige un théâtre et réalise des films. Un jour (que l’on hésite à qualifier de « beau »), il reçoit une lettre qui va bouleverser sa vie. Il s’agit d’une proposition d’une compagnie d’extraction de gaz d’installer des puits de forage sur les dix hectares du domaine familial pour la rondelette somme de 100 000 $ ! Surpris par cette offre, Josh se renseigne. Il s’aperçoit que sa propriété est située sur une formation rocheuse particulière, qui contient des gaz exploitables, celle des schistes de Marcellus, qui parcourt plusieurs états américains : la Pennsylvanie, l’Etat de New York, l’Ohio et la Virginie occidentale. Il commence par appeler différentes compagnies exploitant le gaz de schiste dans la région pour en savoir plus et se heurte à un mur : tous les rendez-vous qu'il demande sont refusés ou annulés. Son métier de documentariste l'encourage à faire un reportage sur ce qui se passe dans les endroits où l'on exploite le gaz de schistes et il tombe sur un véritable scandale. Les gens qui ont donné, sans en connaître les conséquences, le droit de forer sur leurs terrains, sont contraints de vivre (voire de survivre) dans des conditions épouvantables. En plus des nuisances visuelles et sonores que l'on imagine aisément lorsqu'il est question d'exploitations industrielles de quelque type qu'elles soient, il découvre sur place des situations apocalyptiques. La plupart des gens qu'il rencontre sont malades, ils ne peuvent plus boire l'eau de leurs puits ni en donner à boire à leurs animaux, qui eux aussi tombent malades ou meurent. L'eau est en fait polluée par  des centaines de produits chimiques (plus de 500), dont certains cancérigènes ou provoquant des atteintes neurologiques, qui sont utilisés par les exploitants pour forer et extraire le gaz. Pire, certains voient même du gaz inflammable sortir de leurs robinets ou de leur pommeau de douche ! Les personnes qui vivent là vivent un véritable enfer. Ils ne peuvent même pas quitter ces terres qui, pour la plupart les ont vu naître car  leur maison ne vaut plus un dollar. Lorsqu’ils s’adressent à l’administration chargée de faire respecter les normes environnementales, celle-ci nie le problème, arguant du manque de preuves...

Après avoir commencé son enquête à côté de chez lui, dans la ville de Dimock, en Pennsylvanie, Josh se rend compte que le problème concerne l'ensemble des Etats-Unis. Il continue donc son reportage au  Colorado, au Wyoming, en Utah, au Texas et découvre que le scandale est bien plus vaste que ce qu’il pensait. Il interroge les victimes, du moins celles qui veulent bien lui répondre car certains ont signé des accords de confidentialité et subissent la pression des compagnies dont ils dépendent pour leur approvisionnement en eau potable, les élus qui, pas plus qu’en France n’étaient au courant de ce qui se tramait ni n’ont pu s’y opposer, les scientifiques, les rares représentants de l’industrie gazière qui acceptent ses interviews. Il est même amené à filmer les débats du Congrès des Etats-Unis qui, tardivement mais, devant l’ampleur du scandale, a fini par se saisir du problème.

De 200 h d’enregistrement, Josh ne gardera que 100 minutes de film. Il sera présenté pour la première fois en 2010 au Festival de Sundance et programmé à la télévision sur la chaîne HBO le 21 juin 2010. Après plusieurs extraits mis en ligne sur You Tube et Dailymotion et quelques projections par des associations et des mairies, le film est sorti en salle en France le 6 avril 2011.

Bien entendu, comme on peut s’en douter, Josh Fox a été attaqué de toutes parts pour son film, certains lui reprochant son amateurisme, son manque de connaissances techniques, voire une manipulation pure et simple des images. Il a été lui-même menacé et son nom figure sur la Terror watch list dressée par le Departement of Homeland security (équivalent américain de notre Ministère de l’intérieur).

Le problème de l’exploitation des gaz de schistes, le secret et le mensonge qui les entoure, la collusion des industriels les plus puissants du monde avec les politiques, touche non seulement les Etats-Unis, la France, l’Australie mais aussi la Grande-Bretagne et imaginez les dégâts qu’une telle exploitation sauvage peut provoquer dans des pays où la démocratie est un rêve lointain (Afrique, Asie, etc.)

Si l’on se place sur le plan strict du cinéma, ce film, qui a été nominé aux Oscars, a de grandes qualités qui en font bien plus qu’un simple documentaire. Josh Fox, qui est à la fois l'acteur et le réalisateur de son film tourné caméra à l’épaule, dégage une impression de sincérité. Il n’y a pas de montage. Certains plans sont bougés, d'autres flous mais l'authenticité, l'émotion, sont, grâce à ça, partout présents. Rien à voir avec un film sans doute esthétiquement très beau comme ceux d'Arthus-Bertrand ou de Jacques Perrin qui, à force d'être léchés, en deviennent ennuyeux à mourir. Josh Fox met en parallèle les splendides paysages sauvages que l’on peut rencontrer aux Etats-Unis et le désastre écologique provoqué par les compagnies exploitantes, certaines de ses images sont de la pure poésie et parviennent à déclencher chez le spectateur une empathie avec cette nature superbe sacrifiée sur l’autel immonde du fric à tout va ; d’autres provoquent l’incrédulité et la révolte. En tout cas, aucun spectateur, quel qu’il soit, ne peut rester passif devant un tel scandale et se doit de réagir et de s’engager pour, du moins, que cela ne se produise pas chez nous. En outre, bien que Josh fox soit lui-même directement impliqué dans son enquête, il parvient aussi à s’en distancier suffisamment et même à plaisanter avec ses interlocuteurs, ajoutant de temps en temps, une touche d’humour et un air de banjo qui sont autant de respirations (dans un monde qui sent le gaz) et de signes d’espoir, même s'il est fragile.

ALLEZ VOIR GASLAND ! et sur mon blog cinéma Cinérock07

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Nous vous remercions de vos commentaires mais nous vous indiquons que, sur ce blog les commentaires reçus sont automatiquement modérés et que seront systématiquement supprimés tous propos de caractère injurieux, violent, raciste, à caractère sexuel ou attentatoire aux bonnes moeurs. Merci de votre compréhension.