« C'est une chanson triste
et joyeuse, sacrée et profane. Hallelujah est un hymne étrange et ambivalent,
une ode à la musique et à ses pouvoirs mystérieux.
« Il paraît qu’un accord
mystérieux que jouait David plaisait à Dieu. Mais la musique ne t’intéresse
pas, n’est-ce pas ? Ça fait comme ça : la quarte, la quinte, le mineur tombe,
le majeur monte, Le roi perplexe composant Alléluia. »
A qui Leonard Cohen
s’adresse-t-il quand il évoque cet épisode tiré de la Bible ? La première
strophe d’Hallelujah fait référence à David, le roi musicien, mais le reste de
la chanson s’éloigne de la religion. Au fur et à mesure, on comprend que
Leonard Cohen évoque une femme qu’il a connue, qu’il a aimée et qu’il ne voit
plus. C’est certainement à elle qu’il s’adresse depuis le début de la chanson.
Dans certaines versions "live" de ce titre, il lui rappelle quelques
moments intimes où ensemble ils profanaient le verbe sacré dans la joie. Sur
une mélodie ascendante évoquant tout à la fois un regard porté avec espoir vers
le ciel mais aussi la jouissance il déclame « Je me souviens, lorsque j’entrais
en toi, de même la colombe sacrée, chacun de nos râles chantaient Alléluia. »
La musique suit le texte et comme
lui, elle est aussi ambivalente. Alléluia, le seul mot du refrain est baigné
d’accords mineurs qui lui donnent un caractère mélancolique. L’harmonie très
simple pourrait être celle d’une banale chanson amoureuse et pourtant, le
timbre de l’harmonium et le chœur de femmes nous font immanquablement penser à
un chant gospel. Cet Alléluia est une sombre réjouissance ou une douce litanie,
un chant méditatif assurément, qui nous touche au plus profond, tels les hymnes
qu’un compositeur classique comme Edward Elgar dédiait jadis à Dieu.
Parmi les artistes qui ont repris
le seul titre numéro 1 des ventes en France de Leonard Cohen, on ne compte pas
seulement les cordes du Royal Philharmonic Orchestra. Il y a aussi Bob Dylan,
Bon Jovi, Rufus Wainwright sans oublier John Cale et son enregistrement de 1991
qui inspire à un ange nommé Jeff Buckley sa propre reprise épurée et des
accords plus mystérieux encore, joués à la guitare électrique.
Aujourd’hui il est fou de se dire
que la maison de disque CBS avait dans un premier temps refusé de produire
cette chanson, considérant que l’album Various Positions était mal mixé et trop
intimiste. Il aura fallu qu’un petit label texan donne pour la première fois
une chance à cette chanson, triste et joyeuse, sacrée et profane à la fois,
pour que des années plus tard Jeff Buckley chante comme un rituel, en rappel de
ses concerts, cette confession musicale qui fait comme ça : la quarte, la
quinte, le mineur tombe, le majeur monte, Leonard Cohen composant Hallelujah. »
Max Dozolme [Podcast France Musique]
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