Ode à la culture
En octobre 1963, invité par son
homologue québécois, André Malraux, alors ministre d'État chargé des Affaires
culturelles du général de Gaulle entre 1959 et 1969, se rend au Québec où il
fait prononce la phrase "La culture est l'héritage de la noblesse du
monde".
Entre le 7 et le 15 octobre 1963,
il se rend en visite officielle au Canada. Lors de son voyage qui le mènera
d’Ottawa à Montréal, il prononcera plusieurs allocutions en public et abordera
les thèmes qui lui sont chers, autour des enjeux de civilisations, d'éducation
et de culture.
Le samedi 12 octobre 1963, en
France, l’antenne d’Inter actualités de 07h15 diffuse un morceau de l’un de ces
discours qui commence par la phrase “la culture est l’héritage de la noblesse
du monde”. Cet extrait est conservé dans les fonds d’archives de l’INA. Voici
le texte de ce discours :
"La culture est
l'héritage de la noblesse du monde. La seule force que nous ayons en face de
l'élément de la nuit, c'est précisément tout ce qui, en nous, échappe à la
mort. Et en définitive, la définition de l'œuvre d'art, c'est ce qui a échappé
à la mort. Comprenez bien, jeunesse canadienne, que le destin de l'esprit dans
le monde entier va se jouer maintenant, dans les vingt ou les trente prochaines
années : ou bien, la civilisation acceptera de n'être pas autre chose que
stimulus réflexe. Avec l'idée que ce qui fut loisir de la société bourgeoise,
sera loisir de la société prolétarienne. Auquel cas, ce par quoi l'homme est
homme, peut parfaitement disparaître ou s'amenuiser de telle façon que la
civilisation change de nature. Ou bien, au contraire, ceux qui ont devant
l'esprit la responsabilité qui est la vôtre, puisque vous êtes dans cette
maison. Ceux-là auront compris qu'ils sont garants et témoins de la grandeur
humaine et que c'est dans leurs pauvres mains que se trouve le destin du
monde."
Ce discours fut prononcé très
probablement pendant la journée du vendredi 11 octobre, dans un propos plus
général visant à motiver la jeunesse et à rapprocher les deux côtés de
l’Atlantique. Si l’origine précise ne peut être établie avec certitude, les
éléments apportés par les écrits de l’universitaire Claude Corbo - auteur de Malraux
au Québec : propos et discours, 1963 -, l’INA, et les quotidiens de presse
retiennent cette date du 11 octobre, lors de l’inauguration de l’exposition
industrielle française ou bien durant le dîner d’Etat qui a suivi. De fait, il
est possible que certains propos d’André Malraux à l’occasion de l’inauguration
de l’exposition aient pu être enregistrés puis diffusés le lendemain à la radio
sans être consignés dans les journaux écrits.
Plus tôt dans la même journée, le
ministre avait déjà prononcé une allocution définissant la culture et
retranscrite dans les pages du quotidien Le Devoir le 15 octobre, avec
des éléments de langage annonçant les thèmes du passage diffusé à l’antenne :
"La civilisation moderne ne sait pas pourquoi elle existe. La machine
amène l'homme à ne jamais se penser lui-même mais à penser à ce qu'il fait.
[...] Être un homme, ce n'est pas penser à ce qu'on fait, mais penser à ce
qu'on est [...]. Pour simplifier, ou bien l'ensemble des usines de rêve
(cinéma, radio, littérature, etc.) rendra l'humanité asservie aux puissances
qui sont derrière ces rêves, ou bien l'humanité choisira dans ce qui a survécu
sa part la plus haute, parce que, si la culture a un sens, c'est très
simplement la noblesse du monde."
Ces propos seront repris jusqu'à
la fin de son séjour au Québec, puisque le 15 octobre 1963, lors d'une
conférence à l'Université de Montréal, il en reprend des éléments devant une
salle comble d'étudiants et de professeurs, réaffirmant ses croyances sur
l'importance capitale de l'art qui, dans ses mots, représente "quelque
chose qui a survécu, et qui se situe dans une sorte de présent éternel. [...]
L'art en définitive, c'est tout ce qui en nous échappe à la mort."
Ce post est largement inspiré de
l’article signé Zohra Vignais publié le jeudi 10 novembre 2022 sur le site de
Radio France.
Quel travail de recherche à propos de Malraux !
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