Dussé-je choquer mes lecteurs, je ne joindrai pas au concert de louanges que l'on a lues ou entendues depuis la mort accidentelle de Christophe de Margerie, annoncée hier, dans le crash de son avion privé sur un aéroport russe.
Je ne connaissais de l'homme que ce qu'en ont montré les médias lors des différents scandales qui ont émaillé sa présidence à la tête de Total et dont nous ne rappellerons que les plus graves :
raffinerie de Donges, 2008; AZF, 2001; delta du Niger, lobbying pour l'extraction des gaz de schistes, scandales "Pétrole contre nourriture"; Birmanie, etc.)
- collusion avec le régime d'Omar Bongo au Gabon
- scandale "Pétrole contre nourriture" avec l'Irak (années 1990)
- collaboration avec la junte militaire birmane (depuis 1999)
- marée noire de l'Erika (1999)
- explosion d'AZF (2001)
- scandale iranien (1996-2003)
- pollution Cray Valley (2009)
- corruption en Libye
- pollution du delta du Niger
- lobbying acharné pour l'exploitation des gaz de schistes
A cela, il faut ajouter les savants montages financiers qui permettent à Total, entreprise dont le siège social est en France, de n'avoir payé, en 2009 et 2010, aucun impôt sur les sociétés dans notre pays malgré un profit de 10 milliards d'euros !
On nous objectera que M. de Margerie n'est PDG de Total que depuis 2010 et qu'il a hérité d'une longue tradition d'affaires en tout genre de son prédécesseur Thierry Desmarest. Mais c'est un peu trop vite oublier que, sous la présidence de Th. Desmarest (1995-2007), C. de Margerie n'était peut-être pas PDG mais directeur général avant de devenir PDG.
Alors, les hommages qui lui ont été rendus par le président de la République et les principaux responsables politiques français, qui ne peuvent pas ne pas connaître tout cela sont purement et simplement indécents.
Gérard Filoche, ancien syndicaliste, devenu député PS a dit, dans un tweet polémique et, depuis, on assiste à une curée en règle contre lui. Sans doute son tweet aurait mérité d'être plus réfléchi et ses propos pesés mais, sur le fond, je lui donne raison car Christophe de Margerie était tout sauf un honnête homme :
- "un citoyen engagé, un champion français" (Emmanuel Macron)
- "un généreux mécène" (François Hollande)
- "Un personnage chaleureux et amical" (Michel Sapin)
pour ne citer que ceux-là.
En ce qui me concerne, j'ai plutôt envie d'honorer la mémoire aux victimes humaines de toutes les pratiques criminelles du groupe Total, aux saccages environnementaux dont il est responsable, non seulement en France mais à l'étranger. Je ne pense pas, hélas, que son successeur gèrera la multinationale avec plus de respect ni pour les victimes ni pour l'environnement mais je ne pense pas non plus qu'il soit justifié, pour nos responsables politiques, d'ériger en saint un homme qui n'était, ni plus ni moins qu'un des fers de lance les plus aiguisés du capitalisme le plus cynique et le plus prédateur.