Dorothea Tanning et Max Ernst et le Capricorne (Sedona, Arizona, 1948)
Le premier à m’avoir parlé de MaxErnst fut André Griffon dans les années 80. Je travaillais alors à Largentière
et André m’avait appris que Max Ernst avait été enfermé quelque temps dans la
prison de Largentière et y avait peint, peintures qu’il avait données au
policier qui le gardait à l’époque. Pour être franc, à ce moment-là, le nom de
Max Ernst ne m’était pas totalement inconnu mais il ne m’évoquait pas
grand-chose non plus. Cette conversation avec André m’est revenue lorsque,
préparant, à partir de 2006, les spectacles de théâtre du collège, j’ai
découvert que la « prison » dont il m’avait parlé devait être ce
minuscule réduit humide et sans fenêtre qui servait à entreposer les chaises
dans la salle polyvalente où nous tentions tant bien que mal (plutôt mal,
d’ailleurs), de réaliser nos spectacles.
J’en ai appris davantage sur MaxErnst lorsque, devenu libraire, j’ai eu un client, G. L. (il se reconnaîtra), qui
cherchait de la documentation sur la maison que Max Ernst avait habitée à
Saint-Martin d’Ardèche pendant la période de guerre avec Leonora Carrington.
Ernst l’avait décorée de reliefs et de sculptures dont beaucoup ont été
dispersés, comme d’ailleurs un grand nombre de ses œuvres. Ce client cherchait
de la documentation sur Ernst car l’une de ses amies avait été chargée de mettre
en valeur, en vue d’y réaliser un musée, la maison d’Eaubonne (Val d’Oise) où
avaient habité Eluard et Gala, et qu’avait décorée Max Ernst.
J’avais alors cherché des
renseignements sur la maison de St. Martin d’Ardèche et j’avais appris qu’elle
avait été vendue, ne se visitait pas et que la plupart des décors réalisés par
Ernst avaient été détruits ou vendus (deux d’entre eux auraient été achetés par un musée de Lausanne).
Lors de ces recherches, je suis
tombé sur un livre « Max Ernst, sculptures, maisons, paysages » écrit
par Werner Spies (Ed. du Centre Pompidou) où j’appris pas mal de choses sur Max
Ernst, ses itinérances en France et aux Etats-Unis, ses œuvres, la maison d’Eaubonne
et celle de St. Martin d’Ardèche.
Il y a quelques jours, j’ai fait
un rêve où je rencontrais Dorothea Tanning. Dorothea Tanning fut la dernière
épouse d’Ernst et s’est éteinte en janvier 2012, à l’âge de 101 ans.
Lorsque j’ai fait ce rêve, je ne
pensais pas du tout à Max Ernst et, d’ailleurs, je ne reliais pas immédiatement
les deux noms.
Curieusement, alors que je ne
suis pas particulièrement attiré par les peintures ou les dessins d’Ernst (ce
serait même plutôt le contraire), son œuvre, en particulier ses sculptures, me
fascine.
En tant qu’homme, il a eu, comme
beaucoup de ses contemporains, un parcours extraordinaire. Artistiquement, il a
tout tenté, tout essayé et énormément de ses œuvres ont disparu et il n’en
reste au mieux que quelques mauvaises photos en noir et blanc. Mais ce n’est
pas tant son œuvre qui m’interpelle mais sa vie. Ernst a eu un parcours hors du
commun : né Allemand, il a rejoint l’univers des dadaïstes et des
surréalistes, toujours plus près des premiers, d’ailleurs, que des seconds avec
qui il a toujours eu des relations plus ou moins épineuses. Après avoir été
marié une première fois en 1918 avec Louise (ou Luise) Straus, une historienne d’art, avec qui il eut un fils, Jimmy, il épousa
en 1927 Marie-Berthe Aurenche et résida dans la maison de ses beaux-parents à
Vesseaux (Ardèche) dont il avait « décoré », comme à son habitude,
murs et volets. Il ne reste bien entendu rien de ces œuvres dont les
propriétaires se sont empressés de se débarrasser après le départ de leur
éphémère gendre. Puis, en 1937, il rencontra Leonora Carrington qui acheta pour
eux la maison de St. Martin d’Ardèche. En 1938, il rencontra Peggy Guggenheim qui
lui acheta plusieurs œuvres pour son musée de Londres. Interné en 1939 au camp des Milles il réussit à quitter la France avec elle et l’épousa une fois arrivé
aux Etats-Unis, en 1942. Le mariage entre deux personnalités aussi opposés fut,
comme on peut l’imaginer, un échec et Max Ernst épousa Dorothea Tanning, sa 4ème
épouse donc, avec qui il resta jusqu’à sa mort, à Paris, en 1976. C’est pendant
leur séjour à Sedona, dans le désert d’Arizona, qu’il réalisa ses œuvres les
plus emblématiques, en particulier son fameux Capricorne.