Martin n°1 les 1ers jours (début juillet)
C’est notre amie Nadette qui a trouvé le premier bébé martinet le vendredi 3 juillet au soir. Nous partions pour assister au vernissage de l’exposition d’une amie à Montpezat.
Elle l’avait trouvé sur le balcon de son appartement dans le centre historique d’Aubenas.
Je n’ai pas su identifier l’animal à première vue et, comme je ne savais pas ce que pouvait bien manger ce genre d’oiseau (il pouvait être aussi bien végétarien qu’insectivore), je lui ai donné des graines que nous donnons aux perruches callopsittes, et de la pâtée pour chats en lui disant d’essayer les deux et surtout de bien l’hydrater.
Le lendemain matin, elle nous le rapportait : il avait survécu une nuit, ce qui était déjà en soi un vrai miracle. Je me suis aussitôt mis à surfer sur Internet pour essayer de déterminer l’espèce de l’oiseau et savoir comment s’en occuper. J’ai réussi assez vite à en identifier l’espèce sur le site d’une association ornithologique suisse : c’était un martinet noir (apus apus) et à en apprendre pas mal sur son compte.
A la différence des hirondelles qui construisent leurs nids sous le rebord des toitures, les martinets pondent leurs œufs (2 à 3 pas plus !) sous les tuiles des toits et, avec la chaleur (nous étions en pleine canicule), les petits essaient de trouver la fraîcheur, s’approchent trop près du bord et tombent. Dans le cas de Martin (nous l’avons prénommé ainsi une fois que nous l’avons identifié comme un « martinet »), c’est ce qui avait dû lui arriver. La plupart se tuent en tombant car, je ne sais pas si vous le savez, mais les os des oiseaux (de tous les oiseaux, et a fortiori encore plus ceux des oisillons) sont très fragiles car ils sont creux (l’aéronautique s’est d’ailleurs inspirée de cette particularité pour alléger au maximum la structure portante des avions). Celui-là était un double miraculé puisque,1° il ne s’était pas tué ni blessé en tombant et 2° il avait échappé aux griffes d’un prédateur, aux pieds d’un passant ou à la roue d’une voiture et avait été recueilli par les mains compatissantes d’une bonne samaritaine qui l’avait directement apporté chez l’oiseleur en chef … Enfin « en chef », c’est beaucoup dire car, selon le site suisse, ce type d’oisillon est l’un des plus difficiles à sauver.
En effet, il cumule les handicaps : alors que la plupart des oiseaux sont nourris, même tombés au sol, par leurs parents, ceux-là ne le sont pas car les martinets adultes ne se posent jamais au sol car ils ne pourraient plus redécoller (leurs ailes sont trop longues par rapport à leur corps et surtout à leurs pattes). Ils sont faits pour voler à une vitesse de 140 km/h et jusqu’à 4000 mètres d'altitude !!! - et ne se posent pratiquement jamais sauf pour pndre et pour couver ; au mieux, ils s’accrochent à un rebord de toit ou de falaise.
Deuxième handicap : les bébés n’ouvrent pas spontanément le bec et ne réclament pas la nourriture comme le font la majorité des oiseaux. On doit donc les nourrir de force. J’ai sauvé, une année, une nichée de mésanges bleues dont le nid s’était décroché et nous les avons sauvées, à part une. Elles ouvraient un bec démesuré pour leur petit corps et elles étaient faciles à nourrir. De plus, placées en hauteur, hors de portée des prédateurs, la mère a pris le relais et a continué à venir les nourrir jusqu’à ce qu’elles s’envolent. Ce fut pareil pour des bébés-hirondelles dont le nid s’était décroché du toit..
Revenons-en à notre Martin et sur nos tentatives pour lui ouvrir le bec (avec mille précautions, vu sa fragilité) et essayer de lui enfourner ce que nous avions sous la main, de la pâtée pour chats. Et, nous basant sur le graphique de poids trouvé sur Internet (confère site de La Hulotte), nous le pesions tous les jours : de 21 gr (le poids d’une simple lettre !!!), il est passé progressivement à 22, puis 23 grammes… Le miracle continuait.
Arrivée de Martin n°2 (surnommé "Patapouf")
Mais l’histoire n’est pas terminée : deux jours après nous avoir apporté Martin n°1, Nadette nous en apportait un autre, trouvé à un autre endroit. Il ne provenait donc pas du même nid. Il était légèrement plus gros, et ses plumes étaient un peu plus développées.
D’après le site suisse, les bébés martinet devaient être nourris avec des grillons vivants très légèrement passés au congélateur ou, à la rigueur, avec des vers de farine. Mais où trouver des vers de farine ? Je me suis donc rendu dans deux ou trois animaleries et, dans l’une d’elle, Ô miracle, la vendeuse me dit qu’elle en avait. Elle mit à peu près 20 minutes à m’en rassembler une petite 10e, m’expliquant comment ça « fonctionnait », à savoir qu’il fallait attendre que les vers se transforment en larves, puis en coléoptères, que ceux-ci devaient pondre puis de nouveaux vers naître, etc.. Assez peu convaincu et me demandant comment, avec cela, nous allions pouvoir maintenir en vie deux oisillons qui doivent manger 10à 12 fois par jour l’équivalent d’un gramme d’insectes, j’achetais aussi, par précaution, une boîte d’insectes séchés destinés à nourrir les oisillons insectivores…
Arrivé à la maison, nous avons essayé les vers : une horreur. Nos bébés refusaient d’avaler les vers, les larves et encore moins les insectes séchés mélangés à la pâtée pour chats. Et ils dépérissaient à vue d’œil, perdant du poids au lieu d’en gagner :
- Vendredi 8 juillet : 27 grammes
- Lundi 12 juillet : 25 grammes
- Mardi 14 juillet : 22 grammes
On voit que les ailes se sont allongées
Nous sommes passés au bifteck haché et là, ils ont commencé à reprendre du poids et nous l’espoir de pouvoir les sauver :
- Jeudi 15 juillet : 25 grammes
- samedi 17 juillet : 27 grammes…
D’après la courbe de poids, cela correspondait. Martin n°1 s’est même mis à manger (presque) tout seul, prenant la boulette de viande et l’avalant sans trop de problème (il fallait continuer à le masser délicatement sous le cou pour faire descendre la nourriture jusque dans le jabot) mais rien à faire pour Martin n°2, le « cousin », qu’il a fallu continuer à gaver. D’abord ouvrir le bec, puis mettre la boulette de viande et l’enfoncer assez loin pour qu’il ne la rejette pas, puis refermer jusqu’à ce qu’il ait avalé. Cela, toutes les heures ou les heures ½ de 7 H du matin à 10 H du soir.
1er vol d'essai
Enfin, cela fait plus d’un mois que nous les avons. Ils ont commencé à battre des ailes et à faire des petits vols. Mais ils sont aussi devenus de plus en plus difficiles à nourrir et, par conséquent, à reperdre du poids. Nous étions arrivés à 37 grammes. Ils sont retombés à 32 et 33 grammes. Pour pouvoir être relâchés, il faut qu’ils aient atteint 40 et 50 grammes, le poids idéal étant 45 ! Nous en sommes loin.
Nous nous sommes remis à chercher sur Internet. Apparemment nous ne sommes pas les seuls car les bébés martinets tombent souvent des nids à cette période. Une internaute en a ainsi sauvé plus d’une 10e sur plusieurs années.
Dans quelques jours, ils devraient être prêts à être relâchés. Il nous faudra pour cela trouver une grande pelouse, sans obstacles, sans prédateurs, sans voitures afin de pouvoir les récupérer s’ils retombent.
En attendant, si ce n’est pas une sinécure et si les séances de gavage sont éprouvantes (aussi bien pour eux que pour nous), je dois vous parler du bonheur que cela représente d’avoir vu se développer ces petits êtres, de la boule de plumes aux yeux fermés aux beaux oiseaux taillés pour le vol en plein ciel (ils peuvent atteindre l’altitude de 4000 mètres et voler pendant des milliers de km sans se poser. Nous, les humains, nous avons encore des choses à apprendre de la nature !)
Il y a aussi le problème des « couches culottes » (nous faisons une consommation éhontée de Sopalin, ce qui n’est pas, je vous le concède, très écologique) mais, outre que leur caca ne sent pas très bon - ce sont des carnivores, que diable ! – on ne peut pas les laisser se salir les ailes…
A part cela, c’est du pur bonheur. Martin n°1 surtout est extrêmement démonstratif et est très demandeur de câlins (le grattage sous le cou est son préféré mais il aime bien aussi sous les ailes) et de bisous. Martin n°2 (surnommé Patapouf car, bien qu’il ne soit pas plus lourd que son cousin, il est beaucoup plus maladroit…) est moins extraverti mais ils s’entendent bien tous les deux, passant leur temps collés l’un contre l’autre et se faisant des mamours. Bref, c’est une joie de tous les instants (à part… voir ci-dessus).
Voilà où nous en sommes à plus d’un mois après le 1er sauvetage !