St Genest-de-Beauzon (Ardèche - automne 2009) Photo de R. Comte
Je vous avais promis de mieux vous parler de Giorgio Bassani, ce grand écrivain italien, peu connu en France, qui est l'auteur, entre autres, du "Jardin des Finzi-Contini" [Voir mon post du 15/10/2010]. Comme promis, en voici un extrait. Il s'agit du passage où Micòl fait visiter à vélo le vaste parc entourant la domus magna des Finzi-Contini :
"Tout en roulant, nous parlions : d'arbres, surtout, du moins au début.
"Je ne savais rien ou presque en cette matière, et cela ne cessait jamais d'étonner Micòl . Elle me regardait comme si j'avais été un monstre.
" - Se peut-il que tu sois aussi ignorant ? s'exclamait-t-elle continuellement. Tu as tout de même dû faire un peu de botanique, au lycée !"
" - Voyons, demandait-elle ensuite, se préparant déjà à arquer ses sourcils devant quelque nouvelle énormité. Pourrais-je savoir, s'il vous plaît, quel genre d'arbre vous pensez que peut bien être celui-là, là-bas ?"
" Il pouvait s'agir de tout : d'honnêtes ormes et de tilleuls de chez nous, comme de rarissimes arbres exotiques, africains, asiatiques, américains, que seul un spécialiste eût été capable d'identifier : car il y avait de tout, au Barchetto del Duca, vraiment de tout. (...)
" Il lui semblait absurde, à elle, qu'existât en ce monde quelqu'un comme moi, qui ne nourrît pas pour les arbres, "les grands, les calmes, les forts, les pensifs", les mêmes sentiments d'admiration passionnée qu'elle. Comment pouvais-je ne pas comprendre ? Comment pouvais-je vivre sans sentir ? Par exemple, il y avait au fond de la clairière du tennis, à l'ouest par rapport au court, un groupe de sept minces et très hauts Washingtoniae graciles, ou palmiers du désert, isolés du reste de la végétation située derrière (des arbres sombres au gros tronc, de forêt européenne : des chênes, des yeuses, des platanes, des châtaigniers) avec, tout autour, au contraire, un beau morceau de praire. Eh bien, chaque fois que, à bicyclette, nous passions de leur côté, Micòl avait toujours pour le groupe solitaire des Washingtoniae de nouvelles paroles de tendresse.
"- Les voici là mes sept vieillards, disait-elle par exemple. Regarde les vénérables barbes qu'ils ont !"
"Sérieusement, insistait-elle, ne trouvais-je pas, moi aussi, qu'ils avaient l'air de sept ermites de la Thébaïde, desséchés par le soleil et les jeûnes ? Quelle élégance, quelle sainteté dans leurs troncs bruns, secs, voûtés, écailleux ! (...)"
"Mais ses sympathies n'étaient nullement circonscrites aux arbres exotiques.
"Pour un platane énorme, de fait, au tronc blanchâtre et noueux, plus gros que celui de l'importe quel autre arbre du jardin et, je crois bien, de la province tout entière, son admiration confinait au respect. (...)
" - Tu comprends ? Il a presque cinq cents ans ! murmurait-elle en écarquillant les yeux. Pense un peu à toutes les choses qu'il a dû voir, depuis qu'il est venu au monde !"
" Et l'on eût dit que lui aussi, ce gros animal, ce gigantesque platane, avait des yeux : des yeux pour nous voir et des oreilles pour nous écouter." (...)
[G. Bassani - "Le jardin des Finzi-Contini". Paris, Gallimard (coll. Quarto), 2006; pp. 309-310]
Je viens de revoir le film. Merci pour ce billet. Je me demande quelle est la musique qui clôture le film, hommage aux victimes du génocide selon ce que j'ai compris des paroles peut-être en yiddish. Pas d'idée ?
RépondreSupprimerMerci pour ta question. Je ne sais pas. Je cherche...
RépondreSupprimerJe viens de poser la question sur un forum qui s'appelle "Trouve ta musique" et qui fonctionne assez bien. Je te donne la réponse dès que possible. Merci d'avoir posé cette question. Cela a attiré mon attention sur cette musique que j'avais entendue sans vraiment y prêter attention tant elle "colle" aux images douloureuses de l'épilogue. Je l'ai réécoutée avec une autre oreille...
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