Affiche du film de Tony Gatlif "Liberté"
Voici la réaction dans Le Monde de Tony GATLIF, réalisateur du film "Liberté", aux expulsions de Roms auxquelles se livre actuellement le gouvernement français, dans le mépris des droits de l'Homme :
"La tristesse de Tony Gatlif
"Dans le film Liberté (2010), Tony Gatlif raconte la vie des Tziganes dans un village français pendant l'Occupation. Il réagit à l'actualité :
" Eric Besson s'insurge contre l'emploi du mot "rafle". Mais comment dire autrement, quand on chasse au petit matin des gens sans recours, sans défense, pour les renvoyer en Roumanie, d'où parfois ils ne viennent pas. En Roumanie, où le racisme, la violence à leur égard sont sans commune mesure [Voir à ce sujet Enquête exclusive du 22/08/2010 : Roms, tsiganes, des vérités qui dérangent de Bernard de La Villardière - M6.] Que ce soit la France, qui joue à ça, n'est pas compris dans les anciens pays de l'Est. Elle fait le jeu des pires extrêmes droites. Elle les légitime.
Je n'ai pas seulement mal pour la France, j'ai peur. La France, ses philosophes, les droits de l'homme ont toujours fait rêver. En Hongrie, en Bulgarie, elle cautionne les pires dérives fascistes. En 1940, la haine antijuive tenait la main à la haine antitzigane. On sait ce qui est arrivé. Aujourd'hui, partout en Europe, la plus grande misère, la plus désarmée, elle est chez les Tziganes. Les Tziganes ne font pas tous la manche dans le métro. Et quand bien même, où serait le mal ? Ça fait froid dans le dos.
Moi, je suis né en Algérie, alors française, d'une mère gitane et d'un père berbère. J'espère bien avoir dans mes ancêtres un juif et un black, peut-être, avec beaucoup de chance, un Indien d'Amérique.
Je suis arrivé en France en 1962, et depuis que j'ai ouvert les yeux avec une caméra, je me bats. Pour combattre le préjugé par la musique, le cinéma, la poésie. On assiste, impuissants, à une formidable régression.
Reste tout de même l'espoir d'un retour de conscience. Aujourd'hui, le sort des Roms est à la merci des aides de l'Europe. Mais attention : quand on dit "aide", les gens croient qu'il s'agit de donner du fric, comme on en donne aux paysans. Or, le peuple tzigane ne réclame rien.
Simplement, c'est un peuple flottant, il flotte en dessous, dans une espèce de marais, sans école, sans médecine, sans aide sociale. Ce n'est pas normal. Il réclame simplement le respect de la loi. Le respect tout court. De ne plus être traité comme des citoyens de seconde zone.
Dans le sud de la France, ils étaient convenablement traités. Aujourd'hui, ça se dégrade, comme à Arles, où on les installe de façon indigne. Que faire contre la force du préjugé ? Quel film je devrais faire ? Les Raisins de la colère ? On n'en est pas loin. Mais ça me fait mal au coeur de faire ça en France. " Jean Thiberville
Je souscris entièrement aux propos de Tony Gatlif.
Je remercie mon amie Jacqueline FERRAND de m'avoir communiqué ce texte paru dans Le Monde.
Voir post du 29/08/2010
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