Je viens d’apprendre que le
chanteur kabyle Idir (de son vrai nom Hamid Cheriet) est mort hier à Paris à l’âge
de 70 ans. Comme Leonard Cohen, Georges Moustaki, Graeme Allwright ou Joan Baez (et quelques - nombreux - autres...), il avait accompagné mes années de fac à Grenoble où, mes copains et moi,
nous nous prêtions et nous passions leurs disques en boucle.
C’est, bien sûr sa
chanson Ava Inouva qu’il interpréta pour la première fois, presque par hasard,
sur Radio Alger en 1973, en duo avec la chanteuse Mila, qui me reste en
mémoire.
Je n’ai jamais trop su - ni cherché à savoir, d’ailleurs - de quoi
parlait cette chanson interprétée en langue kabyle. C’est maintenant que je me
pose la question. Grâce à Wikipedia, je découvre que le titre signifie « Papa
Inouva ».
Il s’agit d’une berceuse qui évoque l'atmosphère des veillées
dans les villages de Kabylie (où j’ai fait un court séjour avec mon frère Yvon pendant l'été 1970, la même année où nous avons résidé à la trappe de Tibharine.)
Nous avions
été reçus avec un merveilleux sens de l’hospitalité dans ce village kabyle perché dans la montagne (et dont j’ai oublié
le nom) par un jeune instituteur rencontré à Alger et sa
jeune femme dans leur petite maison aux murs en pisé peints de dessins berbères. C’est en partie ce séjour qui m’a conduit à étudier la civilisation
berbère dans le cadre de ma thèse à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences
Sociales et m’a permis de rencontrer une femme exceptionnelle, GermaineTillion.
Le refrain de la chanson est une
allusion à un conte (une jeune fille sauvant son père prisonnier d'une forêt
peuplée d'ogres et de fauves) illustrant succinctement ces récits traditionnels
transmis oralement. Les deux couplets dressent deux tableaux de la maisonnée. Un
des tableaux décrit l'intérieur du foyer, chaque membre ayant pris place autour
du feu. Le fils préoccupé par la nécessité de subvenir aux besoins de la
famille. Son épouse, la bru, qui, bien qu'affairée derrière son métier à
tisser, écoute discrètement les récits et les enseignements qu'elle aura à
transmettre à son tour plus tard. La doyenne et grand-mère, qui transmet le
savoir et les contes aux petits enfants. Le doyen qui écoute lui aussi, drapé
dans son burnous. Le second tableau dresse un panorama de cette agora, avec ces
portes bloquées par la neige (la région du Djurdjura d’où était originaire
Idir, est formée de hauts plateaux qui culminent à plus de 2300 mètres), cette
maisonnée qui rêve du printemps, de ces étoiles et de cette lune qui se sont
retirées derrière les nuages.
Le succès de cette première
chanson conduira Idir à Paris, en 1975, où Pathé Marconi lui propose de produire son premier album. Le titre A Vava
Inouva devenu un tube planétaire, diffusé dans 77 pays et traduit en 15 langues,
fut aussi adopté par le peuple kabyle comme hymne non officiel dans son combat
éternel contre le pouvoir algérien ce qui, par contre-coup fit du chanteur un
exilé, indésirable dans son propre pays, où il ne revint chanter qu’en octobre
2017, après 38 ans d’absence.
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