"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

samedi 8 décembre 2012

ARCHITECTURE : HOMMAGE A OSCAR NIEMEYER

(AP Photo/Ricardo Moraes, File)

Je viens d'apprendre que le grand architecte brésilien Oscar Niemeyer était mort le 6 décembre dernier à l'âge de 104 ans. J'ai déjà dit ici que lorsque j'étais enfant, l'un des métiers que j'aurais voulu faire était celui d'architecte. A part  Frank Lloyd Wright et Le Corbusier, l'un des architectes qui m'avait le plus inspiré était Oscar Niemeyer et son oeuvre majeure, Brasilia.


Oscar Niemeyer , architecte engagé et hédoniste par Geneviève WELCOMME (la-Croix.com 6/12/2012)

« Par l’effet conjugué d’un immense talent et d’une vitalité exceptionnelles, Oscar Niemeyer laisse une œuvre considérable, plusieurs centaines d’ouvrages dans le monde dont une vingtaine est encore en cours de réalisation dans divers pays. On se souvient de Brasilia, bien sûr, dont il réalisa les principaux monuments publics (inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco en 1987), mais aussi, en France, de la maison de la culture du Havre (inscrite en 2005), du siège du Parti communiste français à Paris, de la Bourse du travail de Bobigny.
Parmi les innombrables bâtiments que d’autres pays lui ont confiés, Oscar Niemeyer se disait particulièrement fier du siège des Éditions Mondadori près de Milan (1968-1975), une version moderne du temple grec selon ses propres dires, ou de l’université algérienne de Constantine (1969-1977), en forme d’ailes d’oiseau.
Prodigue, se renouvelant sans cesse, privilégiant le jeu des formes, leur sensualité et leur musicalité intrinsèque, Oscar Niemeyer ne fut le chantre d’aucun dogme, d’aucun parti pris formel et il parlait de son art comme un dessinateur amoureux : « Ce n’est pas l’angle droit qui m’attire, ni la ligne droite, dure, inflexible, créée par l’homme. Ce qui m’attire, c’est la courbe libre et sensuelle, la courbe que je rencontre dans les montagnes de mon pays, dans le cours sinueux de ses fleuves, dans la vague de la mer, dans le corps de la femme préférée. »  C’est pourtant de Le Corbusier, dont on met volontiers en avant la rigueur, voire l’austérité, que l’architecte brésilien reçut ses premières leçons.

Bâtiment du Congrès national (Brasilia)

UNE CAPACITÉ D'INNOVER HORS DU COMMUN

En 1929, l’année même où Oscar Niemeyer s’inscrit à l’école d’architecture de Rio de Janeiro, l’architecte franco-suisse y donne une série de conférences. Quelques années plus tard, sous la direction de Lucio Costa, tête de file de la nouvelle génération d’architectes brésiliens, Niemeyer et Le Corbusier travailleront ensemble sur le projet du nouveau ministère de l’éducation et de la santé du Brésil, bâtiment qui deviendra une icône du « style international » caractérisant les grandes réalisations des Trente Glorieuses. Ils se retrouveront en 1947 pour la conception du bâtiment de l’ONU à New York. Si un univers culturel sépare les deux architectes, ils ont en commun une capacité d’innover hors du commun et une audace constructive – notamment dans l’usage du béton – encore rare à l’époque.
La première grande commande publique que reçoit Oscar Niemeyer, en 1940, et qui lance véritablement sa carrière, vient de Juscelino Kubitschek, alors maire de Belo Horizonte, capitale de l’État du Minas Gerais. Sur les bords d’un lac artificiel, dans le quartier de Pampulha, l’architecte conçoit un yacht-club, une salle de bal, un casino et la merveilleuse église Saint-François-d’Assise aux volumes rythmés comme une succession de vagues habillées d’azulejos bleus. Un monument hardi, aux courbes déliées, dont la réussite et le sentiment de plénitude qui s’en dégage expriment l’une des convictions de l’architecte : « Je suis pour les choses innovantes et belles dont l’audace et l’esprit créatif peuvent surprendre et émouvoir  (1). »

Brasilia

 LA SENSUALITÉ DES COURBES

Élu président de la République en 1956, Kubitschek se tournera de nouveau vers Niemeyer pour la création ex-nihilo de la future capitale du pays au cœur des terres. Le film L’Homme de Rio  de Philipe de Broca (avec Jean-Paul Belmondo) donne une petite idée de la démesure du projet que fut Brasilia et de l’engagement qu’il exigea. Niemeyer y prit sa part, sans doute la meilleure, en posant quelques grandioses sculptures (la cathédrale, le Parlement, le Palais des Congrès, la Cour suprême…) sans subir les contraintes d’un plan d’urbanisme autrement ardu à mettre en place et dont se chargea son confrère, Lucio Costa.
Sculpter l’espace à la manière d’un artiste. C’est ainsi qu’Oscar Niemeyer aimait présenter son travail : par les traits amples et libres d’un dessin jeté sur le papier. Louant la sensualité des courbes, la liberté des espaces vides, l’importance vitale de la lumière, Niemeyer l’hédoniste arrime l’architecture au bonheur des sensations premières. Et relègue d’autant plus volontiers la part complexe de ses projets dans « la salle des machines », loin des visiteurs, qu’il peut s’appuyer sur une équipe d’excellents ingénieurs (une belle tradition brésilienne). Libre de forger ainsi sa légende : « Ma mère m’a raconté que, tout petit, je dessinais dans le ciel avec mon index.  (…) Contempler les nuages a toujours constitué ma distraction favorite. »

Maison de la culture du Havre

UN HOMME ENGAGÉ DANS LE COMMUNISME

Ces évocations délibérément aériennes, voire ascensionnelles, expriment également le caractère idéaliste d’un homme répétant inlassablement que le combat contre la pauvreté et l’oppression sont la priorité politique absolue. Enfant de la bourgeoisie carioca, il s’engagea dans le communisme (il reçut le prix Lénine en 1963 et fut l’ami de Fidel Castro, Pablo Neruda, Salvador Allende), ce qui lui valut quelques années d’exil en France grâce au soutien d’André Malraux, après la prise de pouvoir des militaires dans son pays.

Palacio da Alvorada (Brasilia)

Ses convictions politiques restèrent cependant en retrait de son travail : Niemeyer œuvra peu pour les pauvres ou le recul des favelas même si, en 2009, fut inauguré un centre culturel pour les jeunes dans la favela de Niterói, dessiné « sans honoraires » par l’architecte. Travailleur infatigable, avouant, le jour de ses 100 ans, son étonnement « d’être toujours là »,  Oscar Niemeyer, qui surprenait ses visiteurs par sa vitalité, disait aussi volontiers : « Je me sens en paix avec moi-même parce que je crois en ce que je propose. »

(1) Les citations d’Oscar Niemeyer sont extraites de Niemeyer paroles d’architecte (de Jean Petit, Éd. Fidia).

Plus de photos sur Culture Box (France Télévisions)

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