"...don't be stuck in the every day reality, allow yourself to dream, have faith in your wildest dreams." [AaRON]

"Ne restez pas scotchés à la réalité quotidenne. Permettez-vous de rêver. Croyez en vos rêves les plus fous..." [AaRON]

mardi 10 janvier 2023

ANDRE MALRAUX : "LA CULTURE EST L'HERITAGE DE LA NOBLESSE DU MONDE...



Dans un post de mars 2021, je citais cette phrase d'André Malraux, reprise tous les jours lors de la chronique culturelle d'Ambre Chalumeau sur Quotidien (TMC) que j'écoute et regarde aussi souvent que je le peux. 

Un correspondant anonyme avait émis un doute sur le fait que ce soit bien la voix de Malraux qu'on entend dans cet enregistrement. Je ne m'étais pas posé la question tant cela me semblait évident. Je ne savais pas non plus dans quelles circonstances cette phrase avait été prononcée. 

Après une recherche assez longue sur Internet, je suis désormais en mesure de le faire.  

Ode à la culture

En octobre 1963, invité par son homologue québécois, André Malraux, alors ministre d'État chargé des Affaires culturelles du général de Gaulle entre 1959 et 1969, se rend au Québec où il fait prononce la phrase "La culture est l'héritage de la noblesse du monde".

Entre le 7 et le 15 octobre 1963, il se rend en visite officielle au Canada. Lors de son voyage qui le mènera d’Ottawa à Montréal, il prononcera plusieurs allocutions en public et abordera les thèmes qui lui sont chers, autour des enjeux de civilisations, d'éducation et de culture.

Le samedi 12 octobre 1963, en France, l’antenne d’Inter actualités de 07h15 diffuse un morceau de l’un de ces discours qui commence par la phrase “la culture est l’héritage de la noblesse du monde”. Cet extrait est conservé dans les fonds d’archives de l’INA. Voici le texte de ce discours :

"La culture est l'héritage de la noblesse du monde. La seule force que nous ayons en face de l'élément de la nuit, c'est précisément tout ce qui, en nous, échappe à la mort. Et en définitive, la définition de l'œuvre d'art, c'est ce qui a échappé à la mort. Comprenez bien, jeunesse canadienne, que le destin de l'esprit dans le monde entier va se jouer maintenant, dans les vingt ou les trente prochaines années : ou bien, la civilisation acceptera de n'être pas autre chose que stimulus réflexe. Avec l'idée que ce qui fut loisir de la société bourgeoise, sera loisir de la société prolétarienne. Auquel cas, ce par quoi l'homme est homme, peut parfaitement disparaître ou s'amenuiser de telle façon que la civilisation change de nature. Ou bien, au contraire, ceux qui ont devant l'esprit la responsabilité qui est la vôtre, puisque vous êtes dans cette maison. Ceux-là auront compris qu'ils sont garants et témoins de la grandeur humaine et que c'est dans leurs pauvres mains que se trouve le destin du monde." 

Ce discours fut prononcé très probablement pendant la journée du vendredi 11 octobre, dans un propos plus général visant à motiver la jeunesse et à rapprocher les deux côtés de l’Atlantique. Si l’origine précise ne peut être établie avec certitude, les éléments apportés par les écrits de l’universitaire Claude Corbo - auteur de Malraux au Québec : propos et discours, 1963 -, l’INA, et les quotidiens de presse retiennent cette date du 11 octobre, lors de l’inauguration de l’exposition industrielle française ou bien durant le dîner d’Etat qui a suivi. De fait, il est possible que certains propos d’André Malraux à l’occasion de l’inauguration de l’exposition aient pu être enregistrés puis diffusés le lendemain à la radio sans être consignés dans les journaux écrits.

Plus tôt dans la même journée, le ministre avait déjà prononcé une allocution définissant la culture et retranscrite dans les pages du quotidien Le Devoir le 15 octobre, avec des éléments de langage annonçant les thèmes du passage diffusé à l’antenne : "La civilisation moderne ne sait pas pourquoi elle existe. La machine amène l'homme à ne jamais se penser lui-même mais à penser à ce qu'il fait. [...] Être un homme, ce n'est pas penser à ce qu'on fait, mais penser à ce qu'on est [...]. Pour simplifier, ou bien l'ensemble des usines de rêve (cinéma, radio, littérature, etc.) rendra l'humanité asservie aux puissances qui sont derrière ces rêves, ou bien l'humanité choisira dans ce qui a survécu sa part la plus haute, parce que, si la culture a un sens, c'est très simplement la noblesse du monde."

Ces propos seront repris jusqu'à la fin de son séjour au Québec, puisque le 15 octobre 1963, lors d'une conférence à l'Université de Montréal, il en reprend des éléments devant une salle comble d'étudiants et de professeurs, réaffirmant ses croyances sur l'importance capitale de l'art qui, dans ses mots, représente "quelque chose qui a survécu, et qui se situe dans une sorte de présent éternel. [...] L'art en définitive, c'est tout ce qui en nous échappe à la mort."

Ce post est largement inspiré de l’article signé Zohra Vignais publié le jeudi 10 novembre 2022 sur le site de Radio France.  

1 commentaire:

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